Comme dans toute la Suisse, les exploitants de cinéma se battent pour réinvestir les centres-villes et Genève ne fait pas l’exception. Les cinémas au cœur de Genève auraient-ils repris le chemin du succès auprès du public?
Il y a quelques années les cinémas indépendants disparaissaient aussi vite que les vidéos clubs s’éteignent aujourd’hui mais quelques personnes, passionnées et combattantes pour le cinéma, ont tenté à maintes reprises de les rouvrir en proposant des nouvelles idées pour recevoir le public et avec une programmation quelque peu différente de celles des multiplexes. Certes, de nombreuses salles ont connu des échecs malgré une volonté de bien faire mais aujourd’hui un air nouveau semble souffler et cette fois, on dirait bien que c’est bon. En tout cas, c’est tout le mal qu’on leur souhaite !
Avant tout, il faut savoir qu’à Genève, il ne reste que six cinémas indépendants : le Scala, le City, le Nord-Sud, le Bio, le Ciné-Lux et le Ciné 17. Le reste du marché est détenu par les multiplexes Pathé et Arena Genève. Si certains commencent à bien s’installer dans les habitudes des Genevois, d’autres ont de la peine à s’en sortir, repoussant à chaque fois une disparition peut-être imminente. Donc, la résurrection de la salle « Cinérama Empire » est inespérée et plus qu’attendue. Une réouverture que l’on doit à la mobilisation d’une association et au soutien de la Ville de Genève, qui s’est appuyée sur le Plan d’utilisation du sol pour faire aboutir le projet de réhabilitation. Un Plan qui stipule qu’un cinéma qui ferme devrait être remplacé par un commerce identique, pour favoriser l’animation au centre-ville. Donc, le projet du milliardaire français Claude Berda (fondateur du groupe audiovisuel AB et exilé fiscal français à Genève), qui visait à transformer cette salle en fitness avec un loyer de 15’000 francs par mois, alors que les anciens exploitants payaient moins de 5’000 francs a pu être refusé pour le bien du cinéma.
Une nouvelle aventure pour un cinéma historique…
C’est avec une bonne expérience en réhabilitation des salles de cinéma que les exploitants du Ciné 17 reprennent le « Cinérama Empire » anciennement appelé « Art Ciné », qui avait fermé ses portes en 2011. « Ce vaste cinéma, pourvu d’une galerie, possède une valeur patrimoniale indéniable », annonce d’emblée Didier Zuchuat, actuel administrateur du Ciné17. Le cinéma de la rue de Carouge ouvre ainsi avec son fameux néon en forme de demi-soleil, une enseigne sulfureuse à l’époque.
C’est le 18 août 1967, qu’on apprenait par la Tribune de Genève, l’ouverture du Cinérama Empire, au 72-74, rue de Carouge. Au programme, un documentaire qui n’a pas marqué l’esprit des cinéphiles, « Russie 70, de l’Oural au Kamtchatka », une production américaine. L’emplacement de cette salle près de la place des Augustins relève de la tradition. Plusieurs cinémas s’y sont en effet succédé depuis 1923, date de la construction du Colibri, à la belle époque du muet. Ce dernier sera rebaptisé le Pélican en 1950, une enseigne spécialisée dans les films d’action de d’aventures. En 1967, la petite bâtisse sera remplacée par un locatif, qui abritera l’Empire jusqu’en 1996, puis le Ciné Star et enfin Art-Ciné, qui fermera en 2011.
A sa naissance, la salle se veut la plus moderne de Genève grâce au travail des architectes Lucien Archinard et Jean Zuber qui vont proposer une salle avec des projections sur écran large pour des films en 70 mm. Mais ce qui fera rentrer la salle dans l’histoire cinématographique genevoise c’est l’arrivée du cinéma érotique vers les années 70. Une ère qui va quelque peu modifier la donne, puisque le cinéma ose diffuser pour la première fois à Genève une production érotique, « Le Miracle de l’amour », réalisée en 1968 par l’Allemand Franz Josef Gottlieb, auteur jusque-là de films familiaux. Un film documentaire narré par un sexologue comme il s’en réalisait tant à l’époque et qui remporte un incroyable succès. 70’000 Genevois s’y ruent en vingt-sept semaines, des chiffres qui aujourd’hui laissent songeur la plupart des exploitants. Suite à ce succès, le cinéma changera sa programmation pour en proposer une très originale pour l’époque et même pour aujourd’hui, programmer en alternance des films pour enfants la journée et des productions érotiques le soir. Un succès qui fonctionnera jusqu’en 1974, car la programmation sera par la suite entièrement vouée au cinéma érotique, puis de 1982 à 1996, aux films pornographiques.
Malheureusement pour le plaisir de certains cinéphiles, le déclin du genre et l’arrivée de la vidéo, finiront par tuer le cinéma. Un premier projet de réhabilitation sera proposé en 1999 sous le nom d’Art-Ciné, puis un autre sous le vocable Ciné-Star, mais ils n’empêcheront pas sa fermeture définitive en 2011.
Un avenir dans l’ère du temps…
Le Cinérama Empire renaît de ses cendres pour contre-attaquer les habitudes genevoises et retrouver son lustre d’origine. Enfin pas tout à fait, puisque les goûts et les couleurs ont bien changé depuis. Notamment le prix des places de cinéma, la technologie et le confort des cinéphiles.
Didier Zuchuat, actuel administrateur du Ciné17 et son programmateur, Jean Pierre Grey, souhaitent proposer des films variés mais en version originale. Une demande pour satisfaire une clientèle de plus en plus exigeante mais aussi une clientèle anglophone et francophone qui ne regardent que les films étrangers en version originale sous-titrée en français pour éviter les mauvaises surprises des doublages en français.
Le Cinérama Empire souhaite ainsi proposer un service pour tout type de clientèle avec des tarifs attrayants compris entre 10 et 25 francs selon le type de siège (orchestre, galerie VIP, etc.). Des collaborations et des partenariats avec des festivals de cinéma ainsi que le Grütli seront prévus afin de proposer une programmation encore plus éclectique.
Comme on l’entend si souvent dans le milieu « L’histoire des salles de cinéma n’est qu’un éternel recommencement. » Nous souhaitons donc bon vent au Cinérama Empire pour cette nouvelle renaissance !