Le film/plan-séquence est le fantasme de beaucoup de réalisateurs, mais rares sont ceux qui se sont lancés dans cette aventure risquée. Iñarritu, lui, s’y est jeté à corps perdu et, à l’instar d’Hitchcock et de Sokourov, a magnifiquement réussi son pari, remportant dans la foulée quatre Oscars bien mérités.
En un unique plan, « Birdman » nous raconte donc le retour à Broadway d’un acteur déchu, connu pour avoir incarné le populaire Birdman au cinéma. Parfaite mise en abyme de la carrière de Michael Keaton, qui après avoir joué Batman pour Burton est presque tombé dans l’oubli, le récit s’articule autour du besoin presque vital de l’acteur de retrouver une nouvelle notoriété, pour qu’on ne l’identifie plus comme Birdman, mais comme un véritable comédien. Mais Birdman existe encore en lui, dans sa tête, et il lui susurre le doux chant de la gloire facile : jouer dans « Birdman 4 ».
Véritable prouesse technique et narrative, « Birdman » tire surtout sa force de l’immersion totale créée par son récit crédible et passionnant, qui explore besoin de reconnaissance et schizophrénie, et une mise en scène puissante et renversante. Car cet unique plan-séquence permet à Iñárritu de créer son propre théâtre et de tirer magnifiquement profit d’une géo-constellation claire et empathique, autant au niveau des lieux que des relations entre les personnages, jouant ainsi avec toutes les connections possibles. Le talent d’Iñárritu donne donc à « Birdman » une cohérence bluffante et maîtrisée de bout en bout. Pour une fois qu’on peut être d’accord avec les Oscars…
Birdman
D’Alejandro Gonzàlez Iñárritu
Avec Michael Keaton, Edward Norton…
20th Century Fox