Spin-off de Breaking Bad centré sur le personnage de Saul Goodman, la série Better Call Saul se démarque habilement de son aînée tout en la complétant de façon intelligente.
Assurément, le spin-off est un exercice difficile, en particulier lorsqu’on choisit de le centrer sur un sidekick comique (même si le personnage est populaire auprès du public, il s’agit souvent d’une fausse bonne idée). De même, la préquelle est une entreprise dangereuse qui doit se plier avec rigueur aux exigences du récit original et qui, mal exécutée, risque toujours de nuire à ce dernier. C’est donc peu dire que la série Better Call Saul était un pari osé. Dérivée de l’une des plus grandes réussites télévisuelles de ces dernières années (Breaking Bad), la nouvelle création de Vince Gilligan et Peter Gould devait réussir à développer et tenir un récit sur le personnage fantasque de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White. Et c’est haut la main que le défi est relevé !
La grande idée de cette première saison est de se concentrer sur les origines de Goodman. Alternant comme son aînée entre plusieurs temporalités, Better Call Saul décompose le personnage en deux figures distinctes : l’avocat James McGill (sa véritable identité) qui tente tant bien que mal de se faire un nom en restant du bon côté de la barrière, et le baratineur Sleeping Jimmy (son ancien surnom) qui arnaquait les touristes dans des bars miteux. La naissance de Saul Goodman nous est ainsi présentée par la confrontation entre ces deux identités. Peinant à joindre les deux bouts, le pauvre James McGill se retrouve tiraillé entre son passé d’arnaqueur et son désir de respectabilité. Toujours porté par l’interprétation géniale de Bob Odenkirk, le personnage gagne alors en complexité, tandis que l’on découvre son frère Chuck et la relation ambigüe qu’ils entretiennent, ou son amie Kim et la fragilité qu’elle fait apparaître chez lui. On croise également Mike Ehrmantraut, futur homme de main de Gustavo Fring dans Breaking Bad, qui n’en est encore qu’à gérer avec lassitude l’entrée d’un parking.
Si elle semble, à première vue, disparate, l’écriture révèle bien vite sa grande cohérence : toutes les sous-intrigues, apparemment déconnectées au départ, se croisent avant de s’entremêler autour du fil rouge constitué par l’affaire des Kettleman. Better Call Saul parvient ainsi brillamment à se démarquer de Breaking Bad tout en l’enrichissant de façon intelligente, notamment par la profondeur inattendue apportée au personnage de Mike. Les références aux aventures de Walter White et Jesse Pinkman ne sont jamais forcées ni hors sujet : même l’apparition du caïd Tuco dans le second épisode, que l’on craint être un simple clin d’œil complice un peu facile, se révèle finalement employé avec pertinence, en particulier lors d’une géniale séquence en plein désert qui développe admirablement le personnage de McGill (on y découvre son bagou, mais aussi son humanité).
Comme Breaking Bad, Better Call Saul prend le temps d’installer ses scènes et de mettre en place des atmosphères, la série laisse le dialogue se développer, l’émotion émerger et ses personnages exister. Jusqu’à une scène finale jouissive qui ne donne qu’une envie : voir immédiatement la saison 2.
Better Call Saul
Créée par Vince Gilligan et Peter Gould
Avec Bob Odenkirk, Jonathan Banks
Rainbow