Le duo David Yates/ J.K.Rowling nous ensorcelle avec ce spin-off solide, racontant les aventures d’un sorcier excentrique devant retrouver ses créatures magiques avant que son monde ne soit exposé aux Moldus.
Au moment où, en 2011, les crédits du dernier film d’Harry Potter (« Harry Potter et les reliques de la mort : partie 2 ») se déroulaient sous nos yeux au cinéma, tout bon fan du jeune sorcier avait ressenti ce petit nœud dans l’estomac et cette tristesse infinie en sachant qu’il s’agissait de la fin de cette belle aventure. Cependant, de la même manière que Peter Jackson avait ramené à la vie l’univers de Tolkien avec la trilogie du « Hobbit », on pouvait s’attendre à ce que Warner Bros décide de jouer les mêmes cartes avec le monde de J.K.Rowling. Par chance, le travail de deuil a été de courte durée, puisque en 2013, la société a effectivement annoncé sa décision d’adapter l’œuvre « Les animaux fantastiques et où les trouver ». Il était cependant difficile d’imaginer concrètement de quoi parlerait ce nouveau long-métrage. En effet, contrairement à « Bilbo le Hobbit », ce livre ne possède pas réellement d’histoire. Il s’agit d’un manuel scolaire pour les sorciers, écrit par Robert Dragonneau (Newt Scamander dans la version originale), dans lequel le lecteur découvre une quantité d’informations sur les créatures magiques de l’univers d’Harry Potter et qui contient des annotations, souvent rigolotes, rédigées par Harry, Ron et Hermione. Si Peter Jackson avait réussi à étirer une œuvre aussi courte en trois films interminables, Warner Bros devrait parvenir sans problème à en faire de même avec les cinq qui sont prévus, d’autant plus avec Rowling au scénario.
Le point positif, c’est qu’avec ce spin-off, on n’aura pas à entendre de fervents fans se plaindre que les scénaristes n’ont pas respecté telle ou telle partie du livre, ou les voir sortir de la salle avec un sentiment d’insatisfaction et de frustration, en sachant que des éléments essentiels, présents dans l’œuvre, avaient été supprimés ou remplacés par d’autres beaucoup moins pertinents. L’autre bon point, c’est qu’en redonnant à David Yates la casquette du réalisateur, le public pouvait se sentir d’avantage rassuré, car, on le rappelle, il connaît l’univers de Rowling étant donné qu’il a signé les quatre derniers films de la saga et a su traduire sur grand écran, de manière satisfaisante, l’imagination de l’écrivaine.
Mais trêve de considérations introductives, que nous propose donc « Les Animaux Fantastiques » ? L’histoire prend place à New York et se déroule en 1926, 70 ans avant le début des aventures d’Harry Potter, à l’époque où Voldemort n’était encore qu’un bambin doté d’un charmant petit nez. Dès les premières minutes, le contexte est posé. Au travers des extraits alarmistes de journaux, le film nous apprend qu’un homme, qui n’est autre que Gellert Grindelwald (Johnny Depp), terrorise le monde des sorciers. Ce nom vous est-il familier ? Non, calmez un peu le Suisse qui est en vous, il ne s’agit pas de la commune, ni de la station de montagne. Un indice, ce personnage a déjà été aperçu brièvement dans les autres films… Bon, si vous avez bonne mémoire, vous vous souviendrez de ce jeune blond qui s’enfuit par la fenêtre après avoir volé la Baguette de Sureau à Gregorovitch (le fabricant de baguettes) et dont la photo apparaît dans la maison de Bathilda Tourdesac dans « Harry Potter et les reliques de la mort : partie 1 ». C’est aussi le vieil homme qui se fait « Avada Kedavrer » par Voldemort dans une cellule de prison. Alors, voilà the Big Bad Guy dans « Les Animaux Fantastiques ». Parallèlement à ceci, Norbert Dragonneau (Eddie Redmayne) arrive comme une fleur armé de sa mallette brune, à New York. Le spectateur ignore la raison de sa présence dans ce continent, mais en observant la démarche et la dégaine de ce personnage, elle ne peut être en aucun cas malveillante. Après une brève rencontre avec le Non-Maj’ – le nom attribué aux Moldus aux USA – Jacob Kowalski (Dan Fogler) et de Porpentina Goldstein (Katherine Waterston), la mallette du jeune anglais finit par s’ouvrir et libère d’étranges créatures dans la ville. Afin d’éviter que le monde magique ne soit exposé aux yeux des gens ordinaires, le trio devra les attraper et les ramener au bercail.
Avec « Les Animaux Fantastiques », Rowling nous propose un cadre différent en nous emmenant dans les années 20, tout en conservant l’essence qui faisait le charme des « Harry Potter ». L’ambiance est plus urbaine et agitée, conformément à l’idée que l’on se fait de la Grande Pomme. La prémisse des animaux fantastiques, qui se sont évadés, est légère et présente pour détendre l’atmosphère. Elle occupe une fonction avant tout divertissante, mais le spectateur comprend très vite qu’elle n’est pas centrale à l’histoire, mais se trouve au milieu d’événements plus sombres et importants. Ainsi, Yates et Rowling reprennent une trame narrative similaire à celles qui avaient été utilisées dans les premiers films de la saga. Ils combinent avec fluidité des séquences ludiques, comme la recherche des créatures, à d’autres faisant froid dans le dos et pourvues de messages chargés de sens, que Rowling veut transmettre (particulièrement les scènes entre Croyance (Ezra Miller) et sa mère (Samantha Morton). Puis, comme dans « Harry Potter », l’écrivaine traite de diverses thématiques qui lui tiennent à cœur, comme la glorification de ce qui est différent et condamne la discrimination, tous les types de répression et les idées préconçues.
Si ces bestioles font des ravages dans la ville, leur visuel n’enchante pas autant. Elles sont mignonnes, mais les effets de certaines, contrairement aux séquences d’explosions, de catastrophes naturelles ou les moments durant lesquels les sorciers utilisent leur magie, semblent un peu moins travaillés. C’est bien dommage puisque ces créatures sont au cœur du livre et donnent le titre au film. Le public mériterait d’être émerveillé et d’en apprendre aussi plus sur elles, mais comme il y a encore quatre autres films à venir, Rowling et Yates auront d’autres occasions pour se rattraper.
Néanmoins, ne vous découragez pas, le long-métrage reste à la hauteur de nos attentes et mérite réellement que l’on s’y attarde. Eddie Redmayne est né pour ce rôle et amène un souffle nouveau à la franchise. Son personnage, Norbert Dragonneau, sort de l’ordinaire avec son excentricité, son amour pour les animaux et sa volonté de les protéger. Plus proche des bêtes que des humains, ce magizoologiste fascine par ses drôles de manière, son propre style, ses compétences et suscite l’empathie. De nature réservée, il ne se dévoile pas aisément et tant mieux, cela ne nous donne que plus envie de voir les prochains épisodes pour mieux apprivoiser sa vision du monde, en espérant qu’il conserve le rôle du protagoniste. Jacob Kowalski, interprété par Dan Fogler, reflète le regard et les réflexions sur tous ces événements qu’a le spectateur qui s’essaierait pour la première fois à l’univers de Rowling. L’acteur n’en fait pas des tonnes, son humour fonctionne et il prouve son talent en nous embarquant dans une montagne russe d’émotions différentes. Ce qui est aussi intéressant et inédit, c’est que si les Moldus ignorent tout du monde magique, le spectateur se rend aussi compte, grâce à Jacob, que les sorciers sont tout aussi ignorants. Effectivement, les sorciers n’entretiennent aucun contact ou aucune relation avec eux, du moins à cette époque. Les fans de longue date, quant à eux, s’identifieront plutôt à Newt, en ayant déjà mis les pieds à Poudlard.
Ajoutons aussi que pour cet opus, ils n’ont pas lésiné sur le casting, composé d’acteurs très connus : Eddie Redmayne donc, mais aussi Colin Farrell, Ezra Miller, Johnny Depp, etc. Toutefois, qui dit célèbre, ne veut pas forcément dire bon choix. En effet, si la courte apparition de Johnny Depp ne nous permet pas d’émettre un jugement précis, on ne peut s’empêcher de se demander si le rôle lui a été attribué pour tenter de donner plus de poids au casting ou parce qu’il paraissait réellement être un choix judicieux. On redoute que Grindelwald ne se réduise à une pâle copie des autres personnages qu’il a incarnés, avec un physique et un costume différents, ce qui serait embêtant étant donné l’importance qu’il va prendre dans l’histoire.
Au final, avec « Les Animaux Fantastiques », Yates et Rowling ont réussi à construire ensemble un échafaudage solide qui ouvre la porte à des possibilités infinies aux prochains opus et permet à la saga de se lancer sur un bon pied. Le film a ses défauts, mais on en ressort avec un sourire béat. Alors qu’on avait enfin réussi à se remettre de notre addiction à cet univers, ce long-métrage signe notre rechute. Il nous faut une autre dose, on en a besoin, c’est vital. Si vous connaissez un sort pour que le temps passe plus vite, faites nous signe. Ah… Qu’il est bon d’être de retour dans le monde des sorciers !
Les Animaux Fantastiques
De David Yates
Avec Eddie Redmayne, Katherine Waterston, Colin Farrell
Warner Bros.
Sortie : 16.11.16