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3 Cœurs (Mostra de Venise 2014)

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Catherine Deneuve et sa fille, Chiara Mastroianni, ainsi que Charlotte Gainsbourg sont venues présenter « 3 Cœurs » de Benoît Jacquot, samedi 30 août à la Mostra de Venise.

Dans une ville de province, une nuit, Marc, inspecteur des Impôts détaché de Paris, rencontre Sylvie alors qu’il a manqué le train pour retourner à la capitale. Ils errent dans les rues jusqu’au matin, parlant de tout sauf d’eux-mêmes, dans une harmonie immédiate, laissant la passion s’installer. Quand Marc prend le premier train, il donne à Sylvie un rendez-vous, à Paris, dans le Jardin des Tuileries, quelques jours plus tard. Ils ne savent rien l’un de l’autre. Sylvie accepte et se rendra à ce rendez-vous, et Marc, par malheur ou par accident, y arrivera trop tard. Il la cherchera et trouvera une autre, Sophie, sans savoir qu’elle est la sœur de Sylvie.

Benoît Jacquot a réuni une palette de comédiens prestigieux dans « 3 cœurs », deuxième film français à entrer en compétition à la Mostra de Venise 2014, décryptant l’histoire d’un triangle amoureux pour lequel le directeur du festival avoue avoir eu un coup de cœur : « C’est le premier film que j’ai fait venir cette année. Je l’ai vu très tôt pendant la sélection, dès le mois d’avril, et il m’a beaucoup plu », a déclaré à l’AFP le directeur général de la Mostra, Alberto Barbera, qui sourit lorsqu’on fait allusion à une prime au cinéma français avec quatre films sur les vingt sélectionnés pour la chasse au Lion d’or. Le directeur poursuit : « Le problème de sélectionner un film très vite, c’est aussi de ne pas pouvoir en faire venir d’autres, de la même nationalité, sous peine d’avoir une sélection déséquilibrée ».

Rappelons que Benoît Jacquot est un habitué de la cité des Doges puisqu’il y est déjà venu à trois reprises en compétition officielle, sans jamais décrocher toutefois la récompense suprême (en 1997 avec « Le septième ciel », en 1999 avec « Pas de scandale » et en 2006 avec « L’Intouchable »). Cette année, c’est avec ce drame sentimental, qu’il se soumet au jugement du jury de la Mostra, présidé par son compatriote Alexandre Desplat, et dont le verdict tombera le 6 septembre 2014.

Avec un scénario a priori banal, le réalisateur brode un entremêlas de sentiments, de doutes et de trahisons qui va rapidement s’avérer très original, incarné par une distribution de haut vol : Benoît Poelvoorde, Charlotte Gainsbourg, Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni, ces dernières étant mère et fille à la scène comme à la ville.

Benoit Pooelvorde est sans doute venu sur la Lagune en nourrissant beaucoup d’espoirs, lui qui amorçait un grand virage « auteurisant » pour cette Mostra 2014 avec deux films en compétition, tous deux signés par des cinéastes patentés et dont les derniers films avaient rencontré un immense succès critique et auprès du public ainsi qu’une reconnaissance de leurs pairs (Grand Prix à Cannes pour « Des hommes et des dieux », prix Delluc pour « Les Adieux à la reine »).

S’il ne démérite pas dans ce rôle de ce quadragénaire en mal d’amour et dont la valse-hésitation entre les deux sœurs (Sylvie et Sophie, respectivement interprétées par Charlotte Gainsbourg et Chiara Mastroianni) aura raison de lui, Pooelvorde ne réussit pas à convaincre entièrement et peine à donner du relief à son personnage, qui demeure quelconque alors qu’il devrait être charismatique et séducteur. Gainsbourg et Mastroianni s’en sortent elles aussi avec les honneurs, au regard de l’insipidité de la construction narrative (Benoît Jacquot a pourtant cosigné le scénario), qui annihile les efforts tangibles des acteurs. Lors de la conférence de presse, le cinéaste a défendu son film en ces termes : « J’avais très envie de faire un film dans la tradition du mélodrame américain, mais le film a aussi un rapport certain avec « La femme d’à côté » de François Truffaut. Mais si je dois faire un film en pensant à un genre, je n’y arrive pas. Si mes collaborateurs me disent que ça ressemble à ça ou ça, je change ». Inutile de préciser que cela ne ressemble guère à Truffaut !

Outre les relations amoureuses et les trahisons qui en découlent, le film décrit une magnifique relation entre une mère, Catherine Deneuve (toute en silences et en sobriété) et ses deux filles. La comédienne s’amuse de son personnage : « Pour moi, c’était plus facile que pour les filles parce que, dans le film, je fais à manger souvent. C’est une façon d’avoir une relation physique et sensuelle avec ses enfants. Je suis vue comme l’ogresse qui nourrit ses enfants ». Quant à Charlotte Gainsbourg, la voix toujours aussi fluette, elle s’est dite, elle, « très intimidée par le fait que Chiara et Catherine soient mère et fille dans la vie. Je n’avais pas la complicité qu’elles avaient entre elles (…). Mais j’ai été rassurée parce que cette complicité est arrivée de façon naturelle pendant le tournage ».

Présente aux côtés de sa mère, Chiara Mastroianni a dit avoir « aimé le rôle de cette femme timide, préoccupée, et qui ne voit pas ce qui arrive sous ses yeux », à savoir la relation entre son mari, Marc, et sa sœur avec laquelle elle nourrit des liens très forts.

Le plus affligeant est cet enchevêtrement inextricable, et plutôt indigeste, de sentiments amoureux. Jacquot n’a qu’une seule méthode, lassante, pour parvenir à ses fins : la multiplication de motifs binaires, possédant un pôle positif et l’autre négatif, exploités de manière très linéaire, avec des objets mnémotechniques (cigarette, briquet, miroir, petite phrase identifiable, mimique, attitude répétitives, etc.) qui trouvent un écho ultérieurement dans le récit. Malheureusement, le cinéaste use de façon si redondante et systématique de ces truchements que les fils de la narration implosent rapidement. Au bout de vingt minutes, le ressort primordial du récit repose inlassablement sur la même idée : Sylvie est mal à l’aise d’être face à celui qu’elle aime mais auquel elle doit renoncer, par amour et respect pour sa sœur ; elle refuse toute marque d’affection de son neveu, fruit du mariage entre sa sœur et l’amant désiré. Découvrant le lien familial qui unit sa femme et celle fantasmée, Marc allume une cigarette, et aura souvent l’occasion de réitérer ce geste alors qu’il devrait opter pour une vie saine pour sauver son cœur… C’est là d’ailleurs la grande trouvaille du film : l’analogie entre la maladie cardiaque et les peines de cœur !

Quant à la mise en scène, elle se cantonne à un académisme qui n’a de romanesque que les prétentions. Recourant tous azimuts à des zooms et de violents travellings ponctuant l’érosion des passions, par exemple lors d’un lever de soleil qui évoque la passion naissante, ou un ridicule ralenti sur le bouquet final…

Qu’est-il donc arrivé à Benoît Jacquot ? L’érosion des sentiments ?

3 Cœurs
De Benoît Jacquot
Avec Benoît Poelvoorde, Charlotte Gainsbourg, Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve
Sortira le 17/09 en Suisse, distribué par Agora Films.

www.labiennale.org

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