Fidèle à son credo, le LUFF exhibera une fois de plus des oeuvres et performances quasiment impossibles à voir et écouter ailleurs. En plus des compétitions internationales de courts et longs-métrages, le LUFF projettera une centaine de films, dont plusieurs premières mondiales, à savourer, entre autres lieux, à la Cinémathèque suisse et dans d’autres salles. Côté musique, la soirée d’ouverture mettra l’histoire de la musique électronique à l’honneur.
CÔTÉ CINÉ
Au LUFF, il n’y a pas de thématique unique, mais une pléthore de cochonneries s’entrelaçant comme autant de tentacules lubriques. D’un côté, il y a l’obscur Jean-Denis Bonan dont personne ne connaît l’œuvre cinquantenaire qui transpire le mystère parisien, de l’autre il y a ce salopard de Trent Harris qui fit tourner des jeunes premiers comme Sean Penn et Crispin Glover quand ils tétaient encore du biberon. A côté, il y a des femmes fortes en gueule ayant germé de la no-wave new-yorkaise (Beth B et sa copine Lydia Lunch), et Martha Colburn avec ses animations perverses qui ont autant de rapport avec les techniques de Disney que l’escargot dans la choucroute. Au milieu, il y a du porno homo, des films de séquestration (sous-genre que les programmateurs ont visiblement inventé)… Et ce n’est que la partie visible de l’iceberg cachant la forêt !
Mais détaillons un peu quelques-uns de ces personnages peu communs. Cinéaste, sculptrice, peintre et photographe, Beth B est issue de la scène underground new-yorkaise, avec laquelle le LUFF fricote allégrement depuis des années. Elle présentera quatre films, dont le dernier en date, « Exposed », aux performances scéniques chargées d’extravagances et ode joyeuse à la tolérance.
Jean-Denis Bonan, lui, fut classé « auteur maudit » à la fin des années 60, après quelques courts et un long-métrage. Il présentera en première mondiale « La Femme-bourreau » (1968), film audacieux et provocateur, rejeté par tous les distributeurs, ainsi qu’une sélection de courts métrages comprenant « Tristesse des anthropophages » (1966), interdit par la censure à sa sortie. Indispensable pour les amateurs de pépites oubliées, pour illustrer les ravages de la censure de l’époque aussi.
Trent Harris est né à Salt Lake City et nourrit sa cinéphilie d’auteurs au sens de l’humour particulier : Herzog, Buñuel, Fellini, Waters… Celui qui fit tourner des jeunes premiers comme Sean Penn et Crispin Glover viendra projeter quatre oeuvres décalées, pour le bonheur des friands de curiosités.
Martha Colburn, pour finir, évoluera quant à elle dans le cadre d’un workshop, puis d’un ciné-concert exceptionnel. Ses films d’animation frénétiques et psychédéliques, constitués de collages très élaborés, sont chargés de messages politiques – souvent féministes.
Quant au très attendu film d’ouverture, qui donnera le ton de la programmation, cette année ce sera « I Believe in Unicorns » de Leah Meyerhoff, ou le passage à l’âge adulte relaté avec une justesse de ton inédite et des acteurs remarquables de vérité.
CÔTÉ MUSIQUE
Viols et autres instruments contemporains. Le programme musical n’a évidemment aucun sens. Ou presque. L’occupation de l’espace-temps (physique et psychique, historique et politique) semble traverser les propositions 2014. Subotnick, dont la musique psyché-synthétique a failli être diffusée sur la lune en 1969, cherche à sculpter le temps. Monahan fait danser les haut-parleurs autour du public. Les performances du mexicain de Vega, des israéliens Winter Family, de l’australien Curgenven cherchent au contraire à interroger et documenter les colonisations contemporaines. En bref, les viols soniques sont au rendez-vous. Les esclaves du son et d’instruments inventés en auront pour leur argent: exploitation de phénomènes otoacoustiques, de fréquences de résonance du lieu et des corps ; expérience sous l’influence de la torture ; de même que chuchotements, musique de chambre doom, punk français, plantages et pole dance noise sont au menu des festivités.
La soirée du mercredi mettra de brillants pans de l’histoire de la musique électronique en valeur, avec comme invité principal Morton Subotnick. Pionnier de la performance multimédia et de l’utilisation de synthétiseurs, il est l’auteur en 1967 de « Silver Apples Of The Moon », premier album de musique électronique commandité par un label. Le visionnaire – il prédit qu’un jour, chaque foyer serait équipé d’un synthé – donnera jeudi une conférence sur notre rapport à la technologie. Mercredi encore, Gordon Monahan fait virevolter les haut-parleurs au dessus du public dans une performance intense (« Speaker Swinging », 1982). Le même soir, rencontre inédite et très attendue entre Keith Fullerton Whitman et Mark Fell : le premier au système modulaire analogique, et le second, dont la musique générative et ultra-structurée a marqué le tournant du siècle.
Les performances du mexicain de l’Australien Robert Curgenven (jeudi), des Israéliens de la Winter Family (vendredi), et du Mexicain Mario de Vega (samedi), interrogent et documentent les colonisations contemporaines. Engagés politiquement, ces artistes mettent l’auditeur en situation, pour (re-)créer des expériences inédites et intenses.
Et le programme musical recèle encore d’autres surprises ! Exploitation de phénomènes otoacoustiques, expérience sous l’influence de la torture, chuchotements, musique de chambre doom, punk français et pole dance noise sont au menu des festivités.
Lausanne
Du 15/10 au 19/10