Dans un petit village soudanais, un enfant frappé d’une malédiction tente, malgré les superstitions, de grandir normalement.
Alors qu’une femme amène son nouveau-né pour le faire bénir par un vieil imam, un derviche en transe s’évanouit soudain, annonçant soi-disant ainsi qu’une terrible menace pèse sur l’enfant et qu’il n’a que vingt années à vivre. Abandonnée par son mari, la mère va sombrer dans une sorte de mélancolie perpétuelle et élever son fils tant bien que mal. Après une enfance passée à l’abri de tout danger, le garçon ultra-protégé va se muer, lui, en adolescent obnubilé par la religion et l’application rigoureuse de ses lois. Jusqu’au jour où une rencontre va bousculer ses certitudes…
D’emblée, ce premier film de Amjad Abu Alala (et la première fiction soudanaise depuis 40 ans !) annonce qu’il ne sera pas qu’une curiosité exotique valable surtout pour ses qualités documentaires et ses enseignements sur une culture dont les subtilités ne nous sont pas familières. Le film est en cela fort intéressant mais il est surtout évident, dès les premiers instants, que le long-métrage a aussi de très belles idées de cinéma à faire valoir. Pas de grandiloquence, mais de petits détails subtils, effets de montage ou sonores qui montrent d’emblée tout le talent du cinéaste. C’est, par exemple, un plan qui fait office d’ellipse sur une mère qui comptabilise les années de vie de son enfant en inscrivant des barres sur un mur et que le montage raccorde avec le visage du garçon plus âgé. Ou encore, lui-même qui écoute le cœur des gens et dont les battements envahissent soudain la bande-sonore. Tout plein de petites perles, des cadrages malins utilisant les décors et les sources de lumière à merveille, des jeux de couleurs, des mouvements de caméra anxiogènes, des sons ou des musiques encore qui créent une ambiance pesante et poussent le film à lisière du fantastique.
Une incursion vers le genre très mesurée qui amplifie le côté mystique de l’œuvre et souligne l’importance des rituels religieux, des croyances et des superstitions pour les peuplades des régions reculées du monde. Comme dans ce petit village de la région d’Aljazira où l’on demande en voyant des images de cinéma, si « c’est réel ? ». Très belle scène d’ailleurs où l’auteur fait partager au spectateur ses propres premiers émois cinématographiques. Des sensations qu’on devine assez fortes aux vues de l’empreinte qu’elles ont laissées sur le réalisateur. Car pour un premier essai, Amjad Abu Alala fait tout de même preuve d’une maîtrise du langage cinématographique assez impressionnante. De sa grammaire bien sûr, comme vu plus haut, mais également au niveau de l’écriture, du rendu du temps qui passe, de la maîtrise de l’équilibre entre les scènes narratives et dialoguées et les autres plus contemplatives.
Le metteur en scène se montre brillant jusque dans le choix et la direction des acteurs. Tous sont convaincants et pour chacun, le réalisateur capte quelque chose de leur regard, une intensité qui marque longtemps l’esprit, bien qu’aucun visage ne soit connu.
L’intensité est peut-être même le mot qui résume le mieux cette très belle découverte. Intensité du propos, des images, de la musique et de l’interprétation…
Le film est en compétition au Festival de Fribourg dont le « home palmarès » du jury international (qui a vu les films à domicile) sera dévoilé dimanche 29 mars au soir. Il devait en outre sortir le 1er avril sur les écrans romands mais, plutôt que repoussé, il est désormais disponible sur la plateforme de streaming filmingo.ch.
You Will Die at 20
De Amjad Abu Alala
Avec Mustafa Shehata, Islam Mubarak, Mahmoud Elsaraj, Bunna Khalid
Trigon Films
Disponible en vidéo à la demande sur la plateforme filmingo.ch