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samedi, décembre 21, 2024
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« Love Me Tender » : Ou l’art d’apprendre à s’aimer soi-même

Etienne Rey
Etienne Rey
Travailler pour une salle de cinéma, comme journaliste pour des médias ou organiser des événements pour le 7e art, ma vie a toujours été organisée autour de ma passion: le cinéma.

Avec « Love Me Tender », la réalisatrice helvetico-péruvienne Klaudia Reynicke filme, entre réalisme et onirisme, l’émancipation d’une jeune femme agoraphobe.


Seconda vit en mode confiné… Non pas parce qu’elle a peur d’une éventuelle maladie hautement contagieuse mais juste parce que, pour elle, le monde extérieur et les éléments qui l’habitent ne sont que des bactéries au service d’un vilain virus. Du coup, elle ne quitte jamais le petit appartement tessinois qu’elle partage avec son père et sa mère. Mais alors, lorsque cette dernière décède subitement, le père n’assume pas de reprendre seul la charge de sa fille et la laisse livrée à elle-même. Seconda comprend très vite que pour survivre (ne serait-ce rien que pour manger), il lui faudra accepter de faire quelques efforts et sacrifices… sans pour autant vendre son âme au diable. Pour elle, en gros, il serait préférable que la société s’adapte aux originaux plutôt que l’inverse. D’où, quelques séquences un peu fantasques dans lesquelles le monde de Seconda prend le pas sur la réalité, avant de revenir à son quotidien glauque, à ses biscuits pour chats et ses conserves de tomates.

Le film est attachant, tantôt drôle, tantôt touchant mais il donne parfois l’impression de n’être qu’un dialogue analytique entre la réalisatrice et son personnage. Une figure symbolique de la résistance au conformisme que la cinéaste présente elle-même comme une « anti-superhéroïne ». Surtout, il est parfois difficile de bien cerner les tourments qui habitent Seconda. On trouve bien parsemées ici et là quelques pistes, comme un possible traumatisme lié à son enfance mais certains de ses comportements farfelus ne sont pas bien explicités. D’où lui vient ce besoin de danser pour s’affirmer ou ce délire de s’habiller en bleu et de contaminer ainsi toute la colorimétrie du film ? Tout ceci trahit peut-être le désir de l’auteur de laisser son indépendance à son personnage et d’interdire au spectateur un accès total à la psyché de son héroïne. Comme pour ne pas lui retirer tout ce qui fait sa singularité et empêcher les intrus de polluer son univers. C’est risqué, mais pourquoi pas ? Cependant, il reste plus compliqué de justifier l’attitude de certains personnages secondaires, plus succinctement écrits. Même s’ils sont finalement peu à croiser la vie de Seconda, ils sont tous assez inconsistants et surtout pas très crédibles. Parce qu’ils sont vus via le regard biaisé de l’héroïne ? Rien ne permet vraiment de l’affirmer mais encore une fois, cet hermétisme du scénario et ces quelques éléments laissés à l’interprétation de chacun risquent de laisser certains spectateurs sur le carreau.

En revanche pour ceux qui se laisseront porter par la douce folie de Seconda, « Love me Tender » est une enrichissante expérience de cinéma, une agréable redécouverte du plaisir de recevoir une œuvre selon sa propre sensibilité et d’en partager ses interprétations.

Love Me Tender
CH – 2019 – 83min
De Klaudia Reynicke
Avec Barbara Giordano, Antonio Bannò, Gilles Privat, Maurizio Tabani, Anna Galante, Federica Vermiglio
First Hand Films
Le 10 juin au cinéma

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