Comme de nombreux festivals se déroulant au cours de cet été, le « NIFFF » à lancer une édition online. Leur riche sélection dépeint tous les genres : du thriller horrifique au film d’action comique. Parmi les dix-huit fictions inédites, en voici quelques-unes qui se démarquent par une thématique ou un élément formel.
Cette année et à titre exceptionnel, notre rédaction a bénéficié d’une aide précieuse supplémentaire. Celle de Mme Malika Brigadoi, une correspondante journaliste externe au «Daily Movies ». Au travers de son article, et des autres lisibles sur la « TRIBune des jeunes cinéphiles de Neuchâtel », elle transmet ses ressentis quant à la programmation hors-série du « NIFFF ».
En commençant par…
« Dance with me » (Yaguchi Shinobu, Japon, 2019) et « Detention » (John Hsu, Taïwan, 2019) se jouent des codes de leur genre respectif. « Dance with me » mêle road-trip et comédie musicale. Là où normalement les foules se mettent à danser avec les protagonistes, seule « Shizuka Suzuki » (Ayaka Miyoshi), le personnage principal, se voit telle une star sous les feux de la rampe. Ce long-métrage fait sourire plusieurs fois le spectateur, notamment lorsque « Shizuka » interprète un de ses numéros dans un restaurant en se balançant notamment à un lustre. C’est seulement à la fin du spectacle – lorsque la caméra ne se trouve plus en focalisation interne sur « Shizuka », et qu’elle revient en focalisation spectatorielle – que le public se rend compte que le lustre est tombé, que les assiettes sont brisées, que les clients se sont enfuis. « Detention », de son côté, s’amuse avec les codes du film d’horreur et tisse une métaphore extrêmement bien construite tenant le spectateur en haleine. John Hsu conjugue réalité et horreur.
En effet, les scènes horrifiques sont implantées dans un contexte historique fort, celui de la « Terreur blanche » où bon nombre d’intellectuels ont été emprisonnés pour leur résistance au gouvernement nationaliste de Taïwan ou pour la sympathie qu’ils portaient au Parti communiste chinois. Les séquences typiques du cinéma d’horreur, quant à elles, illustrent la culpabilité de « Fang Ray Shin » (Gingle Wang) la jeune protagoniste qui tient le rôle principal. Les monstres désignent à la fois le pouvoir militaire oppressant, faisant référence à la partie historique du film, et elle-même, illustrant ses pensées et ses remords.
Jouer avec les genres cinématographiques n’est pas la seule originalité de la sélection du « NIFFF », « The Twentieth Century » marque les esprits par son originalité et ses décors expressionnistes inspirés du cinéma allemand des années 1920. Outre les décors, sa mise en scène rappelle le film « Nineteen Eighty-Four » (Michael Radford, 1984), notamment par le surcadrage des personnes dans les fenêtres triangulaires, la lumière et les plans en contre-plongée soulignant leur supériorité, voire même leur affiliation divine. Ce long-métrage burlesque offre un voyage politique drôle et sait surprendre son audience à travers le dédale qu’il érige.
Cette année, la musique a tenu une place importante dans les films proposés par le « NIFFF ». Cette dernière a rassemblé « Simon » (Kyle Gallner) et « Patty » (Emily Skeggs) dans « Dinner in America ». Mais elle a aussi uni « Tiger » (Jacky Heung) et « Cuckoo » (Keru Wang) dans « Chasing Dream » (Johnnie To, Hong Kong, 2019), une réalisation douce et surprenante. La relation que « Tiger » tisse avec « Cuckoo » se base sur l’entraide, le soutien et les encouragements. « Tiger » incarne un héros ambivalent, tantôt machiste et violent, tantôt tendre et généreux, qui, voulant arrêter sa carrière de boxeur, cherche à se reconvertir. À la fois un film de boxe, une romance et un road-trip musical, « Chasing Dream » imbrique les genres cinématographiques avec humour et dynamisme. La musique révèle la personnalité des protagonistes dans « Dinner in America ». De prime à bord très vulgaire, le long-métrage se dévoile dans sa deuxième moitié. Il aborde l’acceptation de soi, malgré le regard et le jugement des autres. « Patty » et « Simon » partagent la musique, mais aussi la marginalité de leur personnalité. « Dinner in America » oppose les masses qui reçoivent dans le film un traitement très stéréotypé et l’originalité qui au contraire est louée. En effet, « Simon » et « Patty » finissent par oser s’assumer et réussissent à trouver leur place dans la société.
« Jeanne » (Noémie Merlant) cherche également sa place dans « Jumbo ». Original par sa thématique, le long-métrage suit un schéma narratif standard. Zoé Wittock raconte l’histoire d’une jeune femme prénommée « Jeanne » qui tombe amoureuse d’un manège dans un parc d’attractions. En imaginant que le manège soit un garçon, la narration du film suit un schéma standard : la rencontre, le flirt, la présentation aux parents, leurs désapprobations, la résignation et finalement l’acceptation. L’esthétisme de « Jumbo » est très travaillé, surtout au niveau des couleurs et de la lumière. Dans l’obscurité scintillent de nombreuses ampoules, celles des manèges et celles de la chambre de « Jeanne ». Elles incarnent l’illustration du bonheur de la jeune femme, qui est très renfermée et réservée. Toutefois, « Jumbo » manque parfois de clarté dans sa narration, à plusieurs reprises, le spectateur est surpris par les remarques des protagonistes. L’information arrive parfois comme un cheveu sur la soupe dans un dialogue ou alors, au contraire, elle n’est pas clairement énoncée et la tournure des événements prend de court le public.
Les films d’action héroïque ont également répondu présents au « NIFFF » avec « Hitman : Agent Jun » intégrant une très juste balance des séquences d’animation, mais aussi « Khun Phaen Begins » (Kongkiat Komesiri, Thaïlande, 2019 ) qui use d’un montage, de bruitages et de décors exagérés pour créer un effet comique, ou encore « Gundala » (Joko Anwar, Indonésie, 2019) se battant contre l’injustice. Contrairement aux deux autres, ce dernier manque d’originalité. Malgré un départ prometteur, « Gundala » s’essouffle et, ayant perdu son dynamisme, traîne dans sa conclusion. Pour sa part, « Khun Phaen Begins » joue sur de nombreux tableaux. L’exagération des codes se ressent comme un exercice de style, un jeu avec les limites du genre. Ce long-métrage se cherche et peut être comparé à un tas de « LEGO » mal assemblés. Il n’en dégage pas moins une belle énergie et offre aux spectateurs un agréable moment.
Lors de cette édition, la mondialisation des normes et de l’identité se sera fait ressentir. Les productions cinématographiques auront, presque sans exception, toutes suivi des codes propres au cinéma hollywoodien. Soit au travers des thématiques comme le long-métrage indonésien « Gundala » qui suit le schéma « Marvel », soit par la forme même du film suivant les codes du cinéma occidental, tels que la règle des 180°, les raccords de direction ou encore tout ce qui a trait au régime de la transparence, tel que le long-métrage japonais « Dance with me ». Pourtant, c’est bel et bien par la touche locale que chaque cinéma défend son identité.
Une édition 2021 uniquement online serait-elle préférable ? Il pourrait être agréable que l’offre se diversifie et que les projections ne se déroulent plus uniquement en salle, mais la disparition complète du festival sous sa forme « physique » n’a rien d’enviable. L’ambiance et l’énergie qui se dégagent d’un tel événement ne sont en rien comparables au marathon cinématographique qui se déroule dans le canapé d’un privé. Les discussions, les rencontres et les hasards deviennent plus rares. Le « NIFFF » en ligne c’est bien, mais, à l’instar de nombreux festivals, sentir la ville vivre à leur rythme, c’est mieux.