Fabrice Luchini tente de nous faire aimer la politique dans « Alice et le maire » du réalisateur Nicolas Pariser. De passage en Suisse, nous l’avons rencontré pour quelques questions autour du film… réalisation qui a fait beaucoup parlé d’elle lors de son tournage à Lyon.
Comment est née l’idée d’une telle comédie ?
L’idée d’Alice et le Maire c’est avant tout l’envie de travailler avec Fabrice Luchini avant même de penser à une histoire avant même de penser à un personnage j’avais envie de faire un film avec cet acteur que j’aime énormément et une fois que je me suis dit tiens voilà j’ai envie de faire un film avec Fabrice Lucchini j’ai déjà essayé de penser à un personnage donc, à ce maire et puis ensuite il fallait quelqu’un en face de lui, donc, une jeune prof de lettres qui allait discuter avec lui… mais vraiment le point de départ de l’envie du projet c’est vraiment l’envie de travailler avec Fabrice Lucchini.
Est-ce pour son art du dialogue ?
J’ai plutôt une tendance effectivement à faire des films très dialogués où les gens parlent beaucoup. Et effectivement, il fait partie des quelques comédiens français qui sont très virtuoses dans le dialogue ou dans la diction dans la recherche de l’intonation juste, etc. C’est certains, que j’avais envie de travailler avec Fabrice Lucchini parce que j’ai moi-même, disons, une tendance à faire ce genre de cinéma, mais j’ai vraiment d’abord eu envie de travailler avec Fabrice Lucchini et de construire le film ensuite. Donc, non, c’est –à-dire que ça s’est vraiment passé dans ce sens-là. C’est venu ensuite l’idée que c’était un homme politique qu’il était au bout du rouleau qui n’arrivait plus à penser et qu’il allait entamer un dialogue avec une jeune intellectuelle.
Pourquoi avoir choisi la ville de Lyon ?
Alors, je ne voulais pas faire le film à Paris, je voulais donc le faire dans une grande ville en France et je ne voulais pas que ce soit une ville du sud à cause de l’accent toulousain ou Marseillais que je n’aurais pas réussi à filmer. Enfin, il y aurait un côté pittoresque que je n’aurais pas été à l’aise avec ça. Donc il y avait toujours possible de le faire à Nantes de le faire à Strasbourg à Bordeaux. Mais d’abord Lyon, c’est quand même la deuxième plus grande ville de France. Et puis en plus le film est très loin inspiré par un roman de musique qui s’appelle « L’Homme sans qualité » qui est un roman qui se passe à Vienne et je trouvais que Lyon… alors, il ne ressemblait pas vraiment à Vienne mais enfin, avait un côté capital d’Europe de l’est de l’ancien Empire austro-hongrois. Il y avait un côté Budapest notamment dans les rives du Rhône qui sont très larges, c’est plus large que la Seine à Paris donc il y a un côté capital européenne et ça me plaisait bien que cette référence plastique au roman de Robert Musil. Et puis c’est une ville que j’ai visité plusieurs fois et que j’avais envie filmer.
Le cinéma de la fiction politique est assez rare en France. Pourtant, il y a de la matière. À quoi est-ce dû à votre avis ?
Il y a un peu plus de films qui se passent dans le milieu de la politique aujourd’hui qu’il y a une dizaine ou une quinzaine d’années. Il y a le film de Pierre Schoeller qui a été un succès, « L’Exercice de l’Etat » et qui était pour une fois un film très crédible, très documenté sur le milieu de la politique. En fait, je pense qu’il n’y a pas beaucoup de films en France sur la politique… ça ne vient pas du tout du monde politique ou des financiers, ça vient essentiellement des réalisateurs. C’est vrai que c’est un milieu qui intéresse peu les réalisateurs français, je pense. Et du reste moi, quand j’ai commencé à faire du cinéma, quand j’ai commencé à faire des courts-métrages. Une des raisons pour lesquelles on s’est intéressé à mon travail, c’était justement sur cette originalité-là. Et c’est probablement aussi ce qui m’a donné envie d’approfondir le sujet de faire un autre film puis encore un autre, puis encore un autre, ce qui évidemment une fois qu’on a choisi un aspect de la politique dans un film, ça appelle presque naturellement à donner un éclairage ensuite sur un autre aspect. Bon, après, effectivement, j’ai fait deux courts-métrages qui se passent dans une politique dont j’ai fait deux longs-métrages. Je pense que pour le prochain film, je vais essayer de passer à autre chose…mais enfin, ça me semble quand même être un sujet et un milieu qui est suffisamment complexe et suffisamment riche dramatiquement, mathématiquement, donc pour que ça m’est permis de faire quatre films très différents les uns des autres.
Selon vous, la pensée et la pratique politique sont-elles compatibles ?
C’était un peu la question: « La pensée et la pratique politique sont-elles compatibles ? ». Effectivement, c’était une des questions qui m’a animé quand j’ai écrit le film et quand je l’ai fait. Après mon film ne donne pas de réponse, c’est-à-dire, je ne suis pas là pour répondre à une question. Si je voulais répondre à une question, je ferais un cours. J’écrirais un livre, un essai… là, il y a un homme politique qui est en difficulté parce qu’il donne l’impression qu’il n’arrive plus à penser, il y a une intellectuelle qui elle ne sait pas quoi faire dans la vie et toujours ouverte à tous les possibles et je filme leur rencontre, je filme la rencontre de la pensée et de l’action de l’homme politique et je regarde ce qui se passe, un peu comme un petit chimiste qui mélange dans un tube à essai les deux choses et puis je vois ce qui se passe, après mon but n’est pas de dire : « oui, il y a compatibilité entre la pensée et l’action », de dire : « non, il n’y a pas incompatibilité entre la pensée l’action », je suis juste là pour filmer le paradoxe, pour voir ce qui se passe et voir comment, disons, ces deux choses s’entrechoquent interagissent et comment est-ce que ça peut provoquer de la fiction, comment est-ce que ça peut donner une histoire.
Après pour être honnête au départ du film, il y avait cette idée de confronter l’action et la pensée, mais très vite quand j’ai créé les personnages et encore plus sur le tournage quand je me retrouve avec des grands acteurs qui l’interprètent, je m’intéresse de plus en plus aux personnages et à leurs affects à leur intériorité qu’aux questions théoriques que pose le scénario.
Croyez-vous que c’est un film qui donne espoir aux jeunes à la politique ?
Je dirais que le personnage principal de mon film c’est une jeune femme qui n’est pas du tout politisée, c’est-à-dire, je pense que les gens de disons 30 ans de 25 ans peuvent tout à fait s’identifier à l’héroïne du film dans la mesure où elle se retrouve plongée dans le milieu de la politique de manière complètement involontaire presque et que donc elle le regarde avec un oeil neuf elle le regarde avec un œil qui n’est pas partisan avec un œil de quelqu’un qui entre guillemets n’y connaît rien et je pense que sur un public jeune, alors, je pense que ça n’intéresse pas des enfants de 12 ou 13 ans mais disons que à partir du moment où un jeune adulte : 16 ans, 17 ans, 18 ans…le film peut constituer une sorte d’introduction au milieu de la politique et que ça peut éventuellement lui donner envie d’aller plus loin et surtout, je voulais sortir disons de la condamnation a priori des hommes politiques et du milieu politique qui me semble assez vain en réalité. Je pense que des jeunes qui ont un a priori négatif sur la politique peuvent aller voir mon film, pour ne plus avoir a priori négatif sans pour autant qu’on leur dise que c’est très bien, que c’est génial, que ça va résoudre leurs problèmes, parce que le film ne dit pas du tout ça. Le film est critique et je pense que j’essaye d’être au bon endroit d’être honnête et je pense que cet endroit cet équilibre que je cherche peut intéresser des gens qui ont envie qui ont une envie de s’intéresser quand même à ça et qui ne connaissent pas encore grand-chose.
Alice et le maire
FR, BEL – 2019 – 103min
Comedie
Réalisateur: Nicolas Pariser
Acteur: Fabrice Luchini, Anaïs Demoustier, Nora Hamzawi, Léonie Simaga, Antoine Reinartz, Maud Wyler, Alexandre Steiger, Pascal Rénéric, Thomas Rortais, Thomas Chabrol
Agora Films
02.10.2019 au cinéma