Pour son dixième film, David Fincher s’amuse à déconstruire les mécanismes du thriller tout en reconduisant les codes fondamentaux du genre. Comme son titre l’indique, « Gone Girl » narre le mystère entourant la disparition d’une femme, Amy Dunne, et dont l’époux Nick en est le coupable présumé.
La manipulation est à l’honneur dans « Gone Girl », puisqu’elle touche autant aux personnages qu’aux spectateurs, tous deux bernés par le récit facétieux employé par Fincher. Pour peu que l’on se laisse prendre au jeu, le film se montre efficace et sa relative longue durée se déroule sans que l’on s’en aperçoive, le deuxième acte et les multiples révélations réservant leur lot de surprises. Le cinéaste porte un regard mordant sur les apparences – la thématique principale de son film –, qu’il pourvoit de notes méta-discursives sur les constructions narratives et les rapports ambigus entre la fiction et la réalité.
D’une certaine manière, le réalisateur prolonge les caractéristiques du film noir et ses jeux de manipulation en les réfléchissant, ainsi qu’en les adaptant à la société actuelle. Le détournement des médias offre sans doute l’approche la plus ludique du film, mais aussi la plus critique, Fincher exposant avec efficacité le sentimentalisme racoleur de la télévision. Le cinéaste pousse cette approche encore plus loin dans son exhibition des principes du thriller. À plusieurs reprises, le personnage incarné par Ben Affleck commente ainsi le déroulement de la situation dans laquelle il se trouve et déduit la suite des étapes ironiquement en fonction de sa connaissance des polars et autres séries télévisées – il sifflote même le générique de « Law & Order » lors d’un interrogatoire.
À travers ceci, Fincher semble se moquer de la banalisation de ces concepts narratifs qui s’exploitent abondamment dans la vie quotidienne ainsi que dans les médias. Mais le réalisateur n’en livre pas la critique définitive : en adoptant une telle approche, « Gone Girl » finit par proposer un discours sur les discours, ce qui le rapproche dangereusement d’un méta-académisme hautain vis-à-vis du thriller et de ses sous-genres, alors que Fincher a lui-même bâti sa filmographie en grande partie sur ceux-ci. Aussi, l’insatisfaction ressentie face à « Gone Girl » naît de son caractère ouvertement manipulateur qui, malgré son esthétisme soigné et sa mise en scène millimétrée, s’apparente plus à un exercice de style qu’à un véritable plaisir de raconter. Pour le coup, on retournera plus volontiers vers « Se7en » ou « Millénium : Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes » qui, en plus, avait le mérite de laisser toute misogynie dans le placard.
Gone Girl
De David Fincher
Avec Ben Affleck, Rosamund Pike…
20th Century Fox