Au mois d’octobre, Daily Movies vous emmène dans un tour d’horizon de ceux qui ont fait le cinéma d’horreur. Parmi les noms et les visages qui ont façonné ce dernier, il en est un, inoubliable de talent et de longévité. Pauline Brandt vous emmène découvrir le chemin cinématographique du plus accompli des acteurs britanniques : l’éminent Sir Christopher Lee.
La carrière de Christopher Lee est d’abord militaire. En 1941, il s’engage ainsi auprès du service de renseignements de la Royal Air Force. Son engagement militaire demeure jusqu’à la fin de la guerre et la dénazification de l’Allemagne. Ces années de violence sont éminemment marquantes pour celui qui, dans sa carrière cinématographique, s’illustrera longtemps par ses connaissances tactiques, militaires et de combat rapproché. Il s’oriente vers le milieu cinématographique après la démobilisation de 1946, sans grande idée de son parcours professionnel. Son désir de s’approcher des plateaux de cinéma fait froncer les sourcils : sa grande taille est vue comme un défaut risquant de détourner l’attention du spectateur des acteurs principaux. Il est peu souvent retenu, et s’il l’est, c’est pour des rôles très anecdotiques. Il signe néanmoins un contrat avec la compagnie Rank, pour une durée de 7 ans. Il s’agit là de sa première entrée dans le monde du cinéma. Dès 1957 et Frankenstein s’est échappé, il apparaît dans les films de la Hammer Film Productions, légendaire société de production britannique de films connue majoritairement pour ses films fantastiques. Il y fait la connaissance des figures mythiques du cinéma d’horreur : le réalisateur Terence Fischer et les immenses Boris Karloff et Peter Cushing. Il partage volontiers l’affiche avec ce dernier, notamment sur les séries Dracula et Sherlock Holmes ; il noue de plus une amitié avec ce dernier, qui durera jusqu’à sa mort, en 1994. Le nom de Christopher Lee devient indissociable du cinéma d’horreur. Il collectionne les rôles de méchants, incarnant aussi bien Frankenstein que Dracula, Raspoutine ou Fu Manchu. Christopher Lee donne leurs lettres de noblesses aux antagonistes et incarne à répétition des personnages machiavéliques mais souvent élégants malgré la terreur qu’ils inspirent. La légende est en marche. Elle l’emmène jusqu’à son rôle favori mais pourtant moins connu que ses rôles ultérieurs, Lord Summerisle dans le dérangeant mais culte The Wicker Man (1972), film qui a largement inspiré de nombreux films à succès sortis dans les années 2010 – Midsommar, en tête.
Francesco Scaramanga, le Comte Dooku, Saroumane, Dracula et les autres…
Quel point commun ont les franchises James Bond, Star Wars, Le Seigneur des Anneaux et les films de la Hammer ? Sir Christopher Lee, pardi. Celui qui a rencontré J. R. R. Tolkien par hasard dans un pub et a avoué relire le Seigneur des Anneaux chaque année a contacté lui-même le réalisateur Peter Jackson pour lui faire part de son souhait de faire partie du casting de la série de films éponyme. Mieux : il prend un obscur rôle de mage dans une petite production filmique pour prouver sa motivation. Peter Jackson l’embauche volontiers, mais pour un rôle différent de celui initialement convoité – il ne devient donc pas Gandalf comme espéré, mais prête, à nouveau, ses traits à un méchant. En plus de ses apparitions marquantes dans les films de Tim Burton – grand fan s’il en est du parcours du monstre sacré – il est Saroumane pour la trilogie du Seigneur des Anneaux, le Comte Dooku dans Star Wars, et l’un des méchants les plus inoubliables de la série James Bond : l’homme au pistolet d’or Francesco Scaramanga. Toujours et encore, des rôles de méchants calculateurs et effrayants, distingués et ne rechignant pas à se battre : en plus d’avoir réalisé ses propres cascades jusqu’à un âge avancé, Christopher Lee détient en effet le record du plus grand nombre de combats à l’épée – épée, fleuret de mousquetaire ou sabre laser – réalisés sur un plateau de cinéma.
« I want to die with my boots on » : l’art jusqu’à la mort
L’inoubliable Sir Christopher Lee s’éteint le 7 juin 2015 à Londres. Il laisse derrière lui le plus éclatant des parcours cinématographiques, contrebalancé uniquement par l’humilité et la discrétion qui l’ont caractérisé toute sa vie. Anobli par la reine Elizabeth II en 2009, il travaille jusqu’à la fin de sa vie, passant aisément d’une langue à une autre grâce à sa maîtrise de 8 langues différentes apprises au cours de sa vie. Il marque de manière durable, par son visage ou sa simple voix, des générations successives de cinéphiles qui reconnaissent en lui des pans entiers de l’histoire du cinéma. Il ajoute une dernière corde à son arc déjà foisonnant en 2010 : il devient alors, à 88 ans, chanteur de metal avec le groupe Charlemagne qu’il fonde lui-même. Cette expérience musicale fait de lui, en 2012 et à 91 ans, le chanteur le plus âgé à être entré dans le classement Billboard des 100 chansons les plus écoutées. Ceux qui l’ont rencontré lors de ses dernières années se souviennent d’une prestance formidable malgré sa santé affaiblie, d’un charisme époustouflant malgré ses petits pas prudents aidés par une canne et d’une humilité étourdissante pour le détenteur d’une carrière qui épuise les superlatifs.
Sa mort marque le départ du dernier grand acteur d’une ère cinématographique qui n’existera plus ; c’est un chapitre de l’histoire du cinéma qui se clôt définitivement. En ce mois d’octobre, nous n’aurons qu’un mot pour lui : thank you, sir.