Faire le pitch d’un film du duo Delépine-Kervern est toujours un exercice très particulier mais qui a le mérite de vous plonger directement dans leur monde de l’absurde jubilatoire.
Donc, un élu de droite (Jonathan Cohen) tente de rallier un confrère écologiste (Vincent Macaigne) sur le vote concernant la création d’un centre de loisirs qui nécessitera de détruire une forêt primaire. Après une soirée au restaurant, les deux finiront dans un bar à hôtesses où ils se feront piéger par des féministes extrémistes.
Ils se retrouvent collés l’un à l’autre. Une folle nuit les attend.
Voilà. On pensait avoir presque tout vu de la part de nos deux réalisateurs, qui comme toujours, prennent un malin plaisir à détourner les codes de la comédie classique pour nous surprendre à chaque fois un peu plus.
Dans ce film, nous sommes plongés dans une douce folie parfaitement maîtrisée de bout en bout et c’est bien-sûr l’une des marques de fabrique du duo. Faire passer une histoire totalement improbable et nous y faire croire, non seulement au travers de gags bien sentis mais également grâce à une teinte poétique qui n’appartient qu’à eux.
Delépine-Kerven, de l’aveu même de leurs comédiens, prennent le temps de filmer, ne respectant pas forcément un plan de travail strict, se laissant la possibilité d’être surpris, de s’adapter et proposer un regard neuf.
On redécouvre aussi avec plaisir une France rurale qui a parfois tendance à être un peu oubliée par les cinéastes hexagonaux. Une France du vrai, du simple. Un pays qui ressemble à tout le monde.
Le travail avec les comédiens est remarquable. Le personnage de Jonathan Cohen est d’une veulerie et d’un opportunisme absolu, on le sent prêt à tout pour obtenir ce qu’il veut, se fichant royalement d’une quelconque idéologie, poussé uniquement par des intérêts électoraux et économiques. Celui de Vincent Macaigne, écologiste psychorigide, jusque-boutiste, vivant son mandat d’élu comme une mission, se souciant jusqu’au ridicule de son image est lui aussi parfait.
Oui, c’est un procédé classique de comédie, faire se confronter des personnages complètement opposés, mais comme dit plus haut, cela marche et donc c’est bon.
Même discours pour les seconds rôles qui sont tous parfaitement en place dans ce petit monde décalé, citons notamment India Hair, fantastique dans le rôle de l’activiste féministe, Yolande Moreau et François Damiens, qu’on ne présentent plus et petite touche « helvétique », Laetitia Dosch, qu’on aime toujours voir.
Au-delà de l’aspect comique du film, les cinéastes nous livrent en réalité une réflexion douce-amère sur bien des aspects de notre société qui ont souvent tendance à tomber dans l’outrance, l’écologie, le féminisme, la misogynie. Tout le monde en prend un peu pour son grade et c’est tant mieux.
On ne va pas vous refaire la liste des précédentes oeuvres de Delépine-Kervern, encore que juste pour les citer, on ne pourrait que vous conseiller de voir ou revoir « Aaltra », « Mammuth », « Saint Amour » ou « I feel Good » entre autres. Les aficionados connaissent et on parle à des convertis.
« En même temps » est un film qui fait du bien, alors n’hésitez pas, par les temps qui courent…
En même temps
FR – 2022 – Comédie
De Gustave Kervern, Benoît Delépine
Avec Jonathan Cohen, Vincent Macaigne, India Hair, Jehnny Beth…
Pathé Films
06.04.2022 au cinéma