Les cinémas indépendants romands, peuvent-ils survivre ? Presque 1 an s’est écoulé depuis le début de la pandémie en Suisse. Depuis, plusieurs salles ont leurs rideaux fermés en respectant les mesures fédérales. Mais quelle est leur situation actuelle depuis mars 2020 ?
Avec notre partenaire « Baka News Network », voici notre reportage spécial. C’est aussi l’occasion de présenter la boss des salles obscures de Morges et d’Yverdon, ainsi que le patron du cinéma de Cossonay.
Nous précisions également que toutes les mesures d’hygiène ont été respectées et prises en compte selon les directives de la Confédération et des lieux. Voici notre lien pour retrouver notre interview complète, diffusée en direct le 29 janvier dernier.
Bonjour à vous et merci de prendre le temps de répondre à nos questions. 1 an s’est déjà écoulé depuis le début de la Covid. Comment allez-vous et comment vous occupez-vous ?
Pascal Miéville : Pour ma part j’ai, la chance d’avoir une autre activité professionnelle. Donc, je suis déjà bien occupé à 80 %. Mais c’est vrai que le fait qu’on maintienne ce cinéma, c’est quand même difficile, c’est rude.
Chahnaz Sibaï : Alors pour moi, je vais très bien en fait. C’est vrai que le cinéma nous manque un peu à tous, toutes et tous. Après, les films on peut toujours les voir d’une autre manière. On a pleins de festivals qui organisent des sélections en ligne et on peut toujours se maintenir à la page. Après, c’est vrai que moi, je n’ai pas d’autres activités puisque j’ai déjà 2 cinémas qui me prennent beaucoup, beaucoup de temps.
Vous souvenez-vous du moment où la Confédération vous avait ordonné de fermer vos salles la 1ère fois ?
P. M. : Bon moi, j’étais très mal, c’était le fameux vendredi 13 mars (2020). J’étais au travail et on suivait tous la conférence de presse. Le soir même, j’ai ordonné à mon équipe de fermer notre cinéma. Au final, on s’est retrouvés à passer notre soirée à écouler notre stock de boissons et de bouffe et à appeler les gens pour les informer de ne plus venir. Donc oui, c’était presque irréel et en même temps, une grande souffrance.
C. S. : Alors nous, c’était aussi le vendredi 13 (mars 2020) comme on est dans le même canton. Je me souviens très bien car j’étais à « L’Odéon » (à Morges). On avait la rediffusion d’un ballet en même temps que la conférence de presse cet même après-midi. Et puis on a dû annoncer aux gens qui étaient dans la salle, qu’après cette séance on allait fermer et qu’ils deviendraient nos derniers spectateurs. Puis, il a fallu qu’on informe d’autres personnes qu’il ne fallait pas venir le mardi d’après, car on allait fermer.
Plusieurs soutiens financiers ont été proposés afin de soutenir les cinémas indépendants. Concrètement, où en êtes-vous ? Est-ce suffisant ?
C. S. : Alors outre les aides RHT (Réduction de l’Horaire de Travail) pour notre personnel qu’ils touchent depuis mars dernier, nous bénéficions de la part du canton de Vaud, d’une prise en charge partielle pour l’aide culturelle. Soit environ 80 % pour chacun des cinémas à Morges et Yverdon. Mais ces subventions n’amortissent qu’une partie des charges comme l’entretien général, l’électricité, ou la maintenance de la cabine (de projection). Mais il reste toujours les 20 % que l’on doit payer et qui restent encore considérables.
P. M. : Non moi, j’ai quand même des conditions un peu plus favorables que Chahnaz. On a quand même un appui de la commune (de Cossonay) très fort, et le comité au-dessus de moi fait ces démarches-là. Donc, la pérennité est assurée. Donc contrairement à Chahnaz, je suis un peu plus serein même si je sais qu’ils ne vont pas délier les bourses jusqu’à plus soif.
C. S. : Moi je suis une Sàrl et donc indépendante. Celle de Morges est très, très active. La ville d’Yverdon est un peu plus grande, mais un peu moins engagée culturellement car elle a d’autres soucis dans d’autres branches. Mais le soutien est là. Mais on sait que le financement n’est pas sans fin, même si on sait aussi qu’on est rentable en temps normal.
P. M. : A Cossonay, une lettre a été envoyée spontanément à tous les habitants en disant : « Bah voilà, vous voulez venir au cinéma, votre ticket coûtera 5 Francs ». Moi j’ai eu des gens qui sont venus en trouvant ça génial. Au niveau de la symbolique, c’est un geste qui est très beau.
C. S. : Alors, Morges était aussi en discussion pour cette aide et finalement, la commune m’a acheté des places et a lancé un « pack culturel » à partir de 2021.
La Confédération a annoncé une diminution du nombre de malades et décès. Si les 7 Sages laissaient la possibilité d’une courte réouverture (1-3 semaines), que feriez-vous ?
P. M. : Alors personnellement oui je le ferai. Parce que j’ai tellement envie de rouvrir ma salle, d’accueillir les gens et de montrer les films. Et si je dis non, quel signal je donne aux gens ? Je sais que je ne vais pas remplir ma salle même avec cette petite fenêtre de 3 semaines. Je m’en fous, j’ai quand même envie d’investir et ça, c’est mon côté glamour, émotionnel du cinéma qui ressort.
C. S. : Ouais, alors moi je suis moins convaincue parce… En fait, on a remarqué que quand on avait fermé le 13 mars (2020) jusqu’à début juin, mis à part « Tenet » qui nous a fait un tout petit peu de chiffres, ça a vraiment pas été terrible. Et gentiment à fin septembre, les gens ont repris confiance et à ressortir. Et avec la sortie du Albert Dupontel, « Adieu les cons » qui a cartonné, on était confiants car il avait super bien marché. Mais le 4 novembre beaucoup moins puisqu’on a refermé. Donc si on rouvre 1 à 3 semaines, est-ce que les gens vont revenir ? Et il faut qu’il y ait un soutien des autorités pour éviter que l’on ouvre à perte avec toutes les charges en sus (électricité, RHT, entretient, etc.) et qu’on limite à temps de personnes dans nos salles selon les indications officielles. 50 à 30 personnes ou jusqu’à concurrence de 100 personnes. Enfin, je ne sais pas, y a des idées.
Pour terminer et avec une note plus légère, quel est votre programme dès le 1er jour de la réouverture ?
P. M. : Ca me semble tellement irréel que j’en ai aucune idée (rire).
Ben, ça veut dire que pour moi, c’est beaucoup de travail. Anticiper, remplir les frigos, refaire les commandes, le stock… En espérant que cela tienne la route. Je vais me replonger dans la liste des sorties de films en me disant : « Qu’est-ce que je vais pouvoir mettre ? Cela intéresserait le public ? ». C’est aussi retéléphoner aux distributeurs, mais moi je n’ai pas le poids de « Pathé » ou d’une grande maison. Il y aura de la joie, mais en même temps de la crainte.
C. S. : Non, mais on sera tous, très, très contents. Après, il faut juste bien relativiser parce qu’on ne pourra pas rouvrir demain, si on nous dit de le faire. Parce que les gens ne sont pas prêts, pas au courant. Il faut une autre campagne de publicité faite par les associations et fédérations du cinéma. Et ce n’est pas quelque chose que l’on fait en 2 jours. Après, on a quelques distributeurs indépendants qui sont prêts à nous proposer certains petits films si on rouvre en mars (2021). Mais moi, je pense que 95% de la population n’en a jamais entendu parler.
Quoiqu’il en soit, il nous faut 2-3 semaines de décalage pour tout remettre en branle, comme le chauffage coupé pour économiser. On n’est pas des coiffeurs et demain si on rouvre, personne ne peut prendre rendez-vous en appelant. Nous, on doit charger les films, préparer les playlists, recevoir toutes les affiches et les poser. C’est des petits détails, mais ils prennent 4-5 jours quand même.
C. S. et P. M. : Merci beaucoup, à bientôt !