Après une longue absence des plateaux de cinéma, Renée Zellweger, éternelle Bridget Jones revient au devant de la scène et sur les podiums. Déjà primée d’un Golden Globe, elle part favorite dans la course aux Oscars pour sa performance bouleversante de la légendaire Judy Garland. Mère de Liza Minnelli, chanteuse et actrice, elle était l’héroïne du « Magicien d’Oz » (1939) et de la première version de « A Star Is Born », sortie en 1954.
Somewhere over the rainbow, way up high
There’s a land that I heard of once in a lullaby
Somewhere over the rainbow, skies are blue
And the dreams that you dare to dream really do come true…
Tout le monde connaît la mélodie. Tout le monde en connaît le refrain. C’est une des chansons qui ouvrent « Le Magicien d’Oz », réalisé en 1939 par Victor Fleming. Celui-ci retrace l’histoire de Dorothy Gale, orpheline élevée par son oncle et sa tante dans une ferme du Kansas. La jeune fille est prête à tout pour protéger son fidèle compagnon Toto, persécuté par la méchante Almira Gulch qui veut sa peau. Mais personne ne prend au sérieux les inquiétudes de Dorothy à propos des menaces qui pèsent sur son chien. Sa tante lui reproche son imagination délirante et lui demande de trouver sa place dans un monde sans problème… Un monde sans problème… Un monde sans problème… Impossible de ne pas tirer de parallèle entre Dorothy et sa jeune interprète Judy, Frances Ethel Gumm de son vrai nom.
Avant de débuter le tournage du « Magicien d’Oz », la jeune Frances est déjà sous contrat avec la MGM (Metro-Goldwyn-Mayer). Quoi que jugée un peu trop ronde par la production, c’est elle qui est choisie à l’âge de 16 ans pour camper la vedette du « Magicien d’Oz ». L’industrie a pour objectif d’en faire une véritable star : faire résonner le nom de Judy Garland dans tous les esprits. Mais sous sa tenue de petite fermière du Midwest, rôle qui est entré dans la culture populaire américaine dès les années 40, la jeune actrice en pâtit dans les coulisses. « Je veux faire comme mes amies, être comme elles », confie-t-elle à Louis B. Mayer, producteur et patron de la MGM. « C’est ce que tu veux, Judy ? Devenir mère et femme au foyer ? », lui répond, impitoyable, le businessman à la physionomie capitaliste, à la limite du Harvey Weinstein, fermement décidé à faire plier la star qui s’apprête à naître sur les feux des projecteurs. Jugée trop gourmande, un régime draconien lui est prescrit par la production. Des amphétamines régulent l’alimentation et le quotidien de l’adolescente, impuissante et état de fatigue chronique. Happée par le système hollywoodien, dont Rupert Goold, réalisateur du film « Judy » en fait la vive critique, Frances Ethel Gumm devra vivre avec les conséquences de ce choix forcé.
Des biopics, toujours des biopics
De vous à moi, je vous l’accorde volontiers, la mode des biopics au cinéma commence à m’agacer. Car il y a une tendance exponentielle à vouloir absolument dresser le parcours de personnalités qui ont marqué l’Histoire. Queen ou Elton John, pour ne citer que les plus récents. Et tout bientôt celui de Grégory Lemarchal, actuellement en préparation… Mais la comédie musicale de Peter Quilter « End of the Rainbow », dont Rupert Goold en fait l’adaptation, s’impose à mon sens plus percutant, peut-être différent des autres biopics que l’on connaît déjà. Parce qu’il met en lumière une femme ? Sûrement… Certainement. Mais surtout parce qu’il fait descendre Judy Garland de son piédestal. Non pas pour froisser son image de légende, mais justement pour la placer à l’échelle humaine, par opposition aux artifices hollywoodiens qui nous dépassent. En choisissant de relater les dernières années avant sa mort, probablement aussi les plus sombres de la vie de Garland, Rupert Goold raconte une histoire des plus universelles. Car c’est davantage à la détresse d’une femme et d’une mère que l’on assiste, moins qu’au déclin d’une star : « J’ai les mêmes rêves que la plupart des gens. J’ai juste plus de mal à les atteindre… », disait-elle. Le récit appelle à l’empathie par le souvenir de l’enfance, du jeune homme ou de la jeune femme que nous étions tous et celui ou celle que nous sommes finalement devenu ou devenue.
L’appartenance et l’attachement aux siens
« Tu veux dire qu’il faudrait que je quitte mes enfants si je veux gagner suffisamment d’argent pour élever mes enfants ? » Ruinée dans le courant des années 60, Judy Garland est épuisée. Insomniaque depuis ses débuts sur les plateaux de cinéma, elle carbure aux barbituriques qui lui fragilisent également la voix. Elle peine à trouver un impresario qui relancera sa carrière. C’est à regret que Judy quitte ses enfants et l’Amérique pour s’installer à Londres le temps de renflouer les caisses grâce à 30 concerts à guichets fermés. Le récit proposé par Rupert Goold est ponctué du répertoire de Judy Garland, brillamment chanté par Renée Zellweger. L’actrice avait déjà été nominée aux Oscars en 2003 pour son interprétation dans la comédie musicale « Chicago » (Rob Marshall, 2002). Après une longue absence, celle qui est aujourd’hui connue pour son rôle de Bridget Jones se refait une place au devant de la scène et sur les podiums des récompenses. Renée Zellweger offre une performance tout simplement bouleversante dans ce rôle pour lequel l’actrice quinquagénaire a confié dans plusieurs interviews avoir « épluché toutes les vidéos de Judy Garland sur YouTube pour adopter ses mimiques, sa démarche et son timbre de voix ». Quoi que loin des paillettes, le film est brillant d’émotion et de talent.
Somewhere over the rainbow, bluebirds fly
Birds fly over the rainbow
Why, then
Oh, why can’t I?
Happée par le système hollywoodien dont elle était prisonnière, Frances Ethel Gumm semblait comme prisonnière de sa propre vie. Jamais libérée de ses chaînes. Six ans après cette série de concerts à Londres, à l’âge de 47 ans, Judy Garland s’en est allée rejoindre les étoiles. Celles qui sont nichées quelque part par-dessus l’arc-en-ciel…
Judy
GB – 2018 – Biopic
Réalisateur: Rupert Goold
Acteur: Renée Zellweger, Finn Wittrock, Jessie Buckley
Pathé Films
26.02.2020 au cinéma