10.8 C
Munich
mardi, novembre 19, 2024
- Publicité -

Interview : Rohena Gera, s’attaque aux problèmes des classes en Inde avec « Sir »

Laurent Billeter
Laurent Billeter
Le 7ème Art, pour moi c'est tout une histoire, Plus qu'une passion, qu'une grande occupation, D'Hollywood à Bollywood, De Michael Bay à Jean Marais, Je me complais dans ce milieu fabuleux.

En octobre dernier, à l’occasion de sa venue en Suisse pour promouvoir son film d’auteur qu’est « Sir », nous avions eu l’immense plaisir de rencontrer la réalisatrice indo-française Rohena Gera. Retour en images (via l’interview à la fin de l’article) et en mots de cette fort plaisante entrevue.


Rohena, bonjour et bienvenue. Merci de répondre à nos questions en commençant par une linguistique. Vous êtes d’origine Indienne, mais nous faisons l’interview en français. Comment avez-vous appris cette langue ?
Rohena Gera : Je ne suis pas d’origine Indienne, je suis indienne. Ça fait un peu plus d’1 an que j’habite à Paris. J’ai déménagé en fait entre le tournage et le montage (de son film). J’aime beaucoup en fait cette ville et je suis tombée amoureuse d’un Français… Ça fait 8 ans. J’ai appris cette langue il y a 10 ans à la Sorbonne.

Pour en revenir à votre nouveau long-métrage Sir, pourquoi l’avoir réalisé ?
En fait en Inde, la situation avec les domestiques m’a dérangé depuis toute petite.
J’avais une nounou à la maison et pour nous en Inde, c’est tout à fait normal. À l’époque, j’étais très proche d’elle et consciente de cette façon de vivre pas très juste. Mais je ne savais pas quoi faire pour changer cette injustice. À 18 ans pour mes études, je suis partie aux Etats-Unis et les fois où je rentrais voir ma famille, je sentais encore plus cette différence. Je me sentais vraiment coupable, car je fais partie de cette problématique aussi. Les années passant, je me suis dit que dans une histoire d’amour entre 2 personnes, elles devraient être égales. D’où les idées de mon long-métrage.

Durant le tournage, vous avez dirigé une équipe d’au moins une trentaine de personnes. Comment avez-vous perçu cette expérience ?
J‘ai beaucoup travaillé toute seule, pratiquement isolée. J’étais scénariste avant et lorsque j’avais fait mon documentaire (« What’s Love Got to Do With It« ), je n’avais personne autour de moi. Donc honnêtement avoir une équipe autour de moi, c’était vraiment super !

Comme pour d’autres films du genre (« The Lunchbox« ), vous mettez l’eau à la bouche avec les plats indiens traditionnels. Mais en réalité l’actrice principale, Tillotama Shome, savait-elle vraiment si bien cuisiner ?
Oui !
En fait, elle aime bien cuisiner (rire), c’est ça qui est super. On sent qu’elle est pas mal à l’aise et donc elle le faisait vraiment. Et elle aime manger aussi.

Dans l’histoire, les tissus et les teintes ont une certaine importance. Est-ce qu’en Inde la mode se veut un peu plus traditionnelle ou est-elle aussi plus moderne ?
Tout existe en Inde.
À Mumbai par exemple, on va vraiment voir de tout. Beaucoup de créateurs-trices se focalisent sur les mariages qui sont très importants pour nous. Avec des robes traditionnelles merveilleuses, par exemple.

Plusieurs lieux magnifiques sont montrés, de quelle manière, les avez-vous choisis ?
On a fait beaucoup de recherches à Mumbai car c’est très compliqué de tourner là-bas. J’ai discuté avec un ami producteur qui essayait de me convaincre de ne pas tourner là-bas. C’est un paradoxe en fait, car cette ville représente le cinéma indien. Mais cela devient très cher pour un film indien à petit budget.

La bande-son est aussi splendide et mélange différents genres. Quelle a été votre implication à ce niveau ?
Merci, car c’est très important pour moi de le savoir. On a beaucoup travaillé pour ça. Ce qui est compliqué avec un film indien, c’est lorsqu’on rajoute de la musique occidentale, cela ne marchait pas avec mon film. Pareil lorsqu’on avait essayé de la musique plus traditionnelle avec des sitars par exemple, cela devenait vite trop folklorique. Mais à force de chercher, de consulter les références que je lui envoyais, Pierre Aviat (« Carnivores ») a su trouver certains éléments indiens idéaux pour notre film et les personnages.

Une large collaboration s’est faite entre l’Inde et l’Europe pour cette production. A-t-il été facile de trouver les fonds et de pouvoir distribuer « Sir » ?
Les fonds, c’était assez compliqué. Mais j’ai pu trouver des fonds privés et convaincre des gens d’investir dans mon projet. Ce n’est jamais facile pour un premier film de trouver l’argent. Au départ, on ne savait pas trop comment cela marcherait à Cannes. Mais nous avons eu de la chance, car les studios « Diaphana » en France, ont aimé le film avant qu’il ne soit monté et diffusé à Cannes.

Pour terminer et sachant que depuis 2003, vous écrivez sans relâche (presque 550 épisodes à ce jour !) pour l’adaptation indienne d’Ugly Betty. De quelle façon êtes-vous passée de la série au film ?
(rire) Après mes études aux Etats-Unis, je me souviens m’être battue auprès des producteurs pour faire mes films bollywoodiens…
Mais avec le temps, j’ai réalisé ne pas trop aimer regarder les épisodes que je réalisais. Je me suis dit que le genre Bollywood n’est pas celui que j’aime le plus. Je me suis dit, comment faire mon propre film en dehors de ce genre ? J’ai aussi eu envie de réaliser mon propre film, car je n’ai pas rencontré de réalisateur dégageant un feeling particulier pour développer un tel projet. J’ai donc fait mon documentaire et à présent « Sir ».

Monsieur (Sir)
IND, FR – 2018 – 99 Min. – Drama
Réalisateur: Rohena Gera
Acteur: Ahmareen Anjum, Vivek Gomber, Geetanjali Kulkarni, Tillotama Shome, Rahul Vohra
Xenix Film
09.01.2019 au cinéma

- Publicité -
- Publicité -