Mais qu’est-ce donc que le sens de la fête ? Comment peut-on parvenir à l’avoir ? Car cette faculté, semblant être simple à développer à priori, ne l’est finalement pas tant que ça. Par contre, si ce sens est mené à bien, il en devient une aventure à dimension humaine et bien plus…
« Le Sens de la fête » est la 9ème réalisation des comparses Eric Toledano et Olivier Nakache. Ami de longue date aussi avec ces derniers, Omar Sy (« Samba ») est toutefois absent au sein de ce long-métrage. La raison en est bien expliquée au travers de notre rencontre avec Olivier Nakache. Mais même si ce trio détonne depuis une bonne dizaine d’années, notamment avec le fameux « Intouchables », un vrai-faux cap passé à merveille se ressent avec « Le Sens de la fête ». Cependant et avant de détailler ce changement, les raisons d’aller voir ce film et davantage, il est plus sympathique de connaître son intrigue.
Dès les premiers instants, le spectateur est plongé dans la vie de Max. Elle est toujours très remplie, car il est organisateur de fêtes, et ce, depuis trente ans. Habitué à des préparatifs de grandes envergures, il coordonne cette fois un sublime mariage dans un somptueux château du 17ème siècle. Comme toujours, il a pensé au photographe, au cuisinier, aux serveurs, aux véhicules et à bien d’autres détails paraissant futiles au prime abord. Mais de fil en aiguille, cette soirée qui devait être sensationnelle, va regorger d’impératifs et de catastrophes. En effet, entre une partie du personnel qui semble ne pas respecter les souhaits du marié, les nombreuses tensions au sein de la brigade et un invité mystère arrivant de nulle part, Max réalise que ses anticipations sont vaines. À tel point toutes ces problématiques remettent en cause l’union des mariés et surtout, la carrière de Max… Ces dénouements, qui sont censés finir positivement, vont-ils au final mettre en péril l’entier de la soirée ?
Cette direction trompeuse prise par les réalisateurs montre la magie du cinéma en toute beauté. En effet, le public pensera très rapidement que le casting, les rôles secondaires, la figuration et l’équipe technique sont beaucoup plus nombreux que leurs précédentes œuvres cinématographiques. Pourtant, il n’en est rien. Ils ont simplement intégré de manière différente l’utilisation des caméras en suivant intensément la vie de Max. Cette impression d’abondance de personnes est donc une belle preuve que le 7ème Art a encore beaucoup de potentiel. Mais surtout, cette action exprime le fait qu’Olivier Nakache et Eric Toledano souhaitaient revenir à leurs fondamentaux. En songeant, entre autres, à leur première réalisation en 2006 qui était « Nos jours heureux » avec moins de monde autour et au sein du tournage.
Évidemment, ce virage technique n’est absolument pas le seul point positif du « Sens de la fête ». Un autre élément important à mentionner est le personnage de Max qui dégage une superbe prestance pour cette histoire. Interprété par Jean-Pierre Bacri (« Grand Froid »), le héros principal, incarne un patron d’entreprise arrangeant et flexible, mais sachant réprimander si nécessaire. Il veut avant tout donner la meilleure image de son entreprise, de ses prestations, de son personnel et donc de lui-même. Max transmet ponctuellement une idéologie parfaite pour le récit : « On s’arrange ». Et effectivement, les différents accommodements qu’il valide sont toujours bien inspirés. L’acteur francophone est donc le pilier du long-métrage. Son intensité et implication sont toujours jouées avec leur juste valeur. Certes, Jean-Pierre Bacri n’est pas forcément le comédien le plus reconnu pour s’engager au sein de films tout public. Mais qu’il tourne pour dans un cadre plus proche d’auteurs intimes ou au sein de long-métrages à budgets plus conséquents, son investissement se ressent toujours superbement et positivement.
Mais Jean-Pierre Bacri a beau être le porteur du « Sens de la fête », paradoxalement, il le serait très peu sans l’appui de ses collègues. Car le reste du casting est tout autant idéal et actif. À tel point que le public s’interrogera certainement sur la réputation qu’ont Eric Toledano et Olivier Nakache en France. En effet, qui refuserait vraiment de jouer dans un de leur projet ?
Toujours est-il qu’en se penchant davantage sur la distribution et les différentes performances, il est presque impossible d’échapper à la grande Dame qu’est Hélène Vincent (« Good Luck Algeria »). Elle est géniale comme belle-mère. A tel point qu’il aurait été peut-être même plus sympathique de lui accorder un rôle un peu plus conséquent. Avec le « Sens de la fête », impossible aussi d’oublier le polyvalent et drôle Gilles Lelouche (« Rock’n’Roll »). Au sein de cette réalisation, deux belles surprises d’interprétations. À commencer par le surprenant Benjamin Lavernhe (« L’Odyssée »), de la Comédie française, qui joue à merveille son côté bourgeois et très pointilleux.
L’autre ravissement émane de la jeune actrice Eye Haidara. Car à chaque fois qu’elle passe devant la caméra, elle fait d’emblée ressortir son côté féminin et masculin. Qui plus est avec aisance, car elle dirige aussi une partie de la brigade et sait souvent se faire respecter. Sa précédente participation était aussi bouleversante et intense. Même si « La Taularde » est passé presque inaperçu, et carrément non distribuée dans les salles de cinéma en Suisse, le travail d’Eye Haidara était encore plus incroyable. Si malheureusement « La Taularde » a été un échec commercial critique et auprès du public, la comédienne a parfaitement su rebondir et saisir une très belle opportunité avec « Le Sens de la fête ». Il est à espérer qu’elle dévoilera encore plus ses talents et sa polyvalence pour des projets futurs.
En plus de ce retour aux sources et du magnifique casting, « Le Sens de la fête » est fidèle aux réalisations des metteurs en scène. Bien sûr, l’humour est présent tout au long du récit. Mais, et comme ce fut aussi le cas antérieurement, ce film est aussi une œuvre sociale, humaine et réaliste. Effectivement, Olivier Nakache et Eric Toledano n’hésitent pas à mener leurs propres investigations sur différents terrains. Puis à retranscrire et filmer une partie de leurs découvertes en s’inspirant de la réalité. C’est ainsi que le public en apprend un peu plus sur le travail au noir et comment un menu de repas peut être éventuellement modifié lorsqu’un inattendu survient. Notamment pendant un mariage. Même si l’idée des compères n’est pas de critiquer négativement les organisateurs de fêtes dans la réalité, il est pourtant bien de savoir que ce type de démarches et changements peuvent réellement arriver. Naturellement, ces petites subtilités ne sont pas utilisées à tout-va et il est préférable de ne pas s’en méfier à chaque fois.
En outre, les cinéastes ont aussi décidé de se référer à un film sorti en 1983 et réalisé par Claude Sautet : « Garçon ! ». Tourné avec le regretté Jacques Villeret, et bien que le romantisme du récit ne soit nullement en rapport avec « Le Sens de la fête », Olivier Nakache et Eric Toledano se sont surtout appuyés sur les mouvements effectués de la cuisine à la salle de restauration. Pour eux, « Garçon ! » décrit au mieux la relation entre les serveurs, formant la brigade, et la clientèle.
Enfin, et toujours par rapport aux atouts du « Sens de la fête », la composition musicale reste tout autant somptueuse que celles de « Samba » ou d’« Intouchables ». Par contre cette fois-ci, ce n’est pas Ludovico Einaudi qui a arrangé leur film. Ils ont décidé de choisir un inconnu du grand public, mais pas des connaisseurs de jazz, qui n’avait jamais composé de bande originale. A la base c’est un pari risqué, de loin pas le seul pris par les deux amis, mais leur force de conviction et renommée ont permis à Avishai Cohen d’accepter de travailler et concevoir la musique de leur 9ème long-métrage. Et pour cette première incursion cinématographique, le compositeur s’en sort tout autant bien que Ludovico Einaudi. Évidemment, la patte musicale souhaitée par O. Nakache et E. Toledano s’en ressent. À savoir le subtil mélange entre les airs discos connus et reconnus associés avec le doux son de la musique classique.
Toutefois et pour cette réalisation, un interlude musical diffère. En effet, un air mélodieux et calme est exécuté par un très bon joueur de flûte durant une séquence importante du film. Proche de la musique indienne, à comprendre grand public et donc Bollywood, elle reste par contre très bien intégrée dans l’histoire. À la base, il avait même été envisagé de faire une séquence plus liée à l’univers Bollywood. Mais finalement, l’équipe technique s’est rétractée, car elle avait senti que le moment ne s’harmonisait pas avec le reste du long-métrage.
Pour aller voir « Le Sens de la fête », inutile d’être un hyper actif en sortant tous les week-ends dans les soirées et discothèques. Ou d’aller racler la moindre mignardise à des mariages ou autres réjouissances. Pour les personnes se délectant déjà des films des deux réalisateurs, rien à redire, foncez simplement pour voir leur jolie nouveauté. Vous l’apprécierez sans nul doute, car il reste fidèle à leurs lignes de conduite. Quant aux gens pouvant peut-être plus maugréer avec une histoire de mariage, dans un énième beau château et un casting prestigieux, il est conseillé de laisser parler votre curiosité et de découvrir « Le Sens de la fête » malgré tout. Dans tous les cas, il est sûr qu’un large public sera au rendez-vous pour voir cette comédie et l’apprécier, comme l’a été « Samba », à sa juste valeur. Mais aussi pour en rire, ressentir de l’empathie pour les protagonistes, en apprendre davantage quant au fonctionnement de telles entreprises et projets.
Qui sait, peut-être même que le scénario inspirera plusieurs personnes désireuses de se marier. Ou alors, des souvenirs oubliés émergeront de la mémoire des spectateurs… De ce fait, une certaine nostalgie et mélancolie pourraient s’en ressentir au travers des moments vécus lors d’une fête ou d’un mariage. Toujours est-il que les metteurs en scène ont gardé une excellente objectivité quant aux côtés positifs ou négatifs du mariage. Leur « Sens de la vie » se tourne en tout point sur les préparatifs, l’organisation et le respect des souhaits transmis les organisateurs.
À l’heure où l’actualité mondiale semble permettre à la morosité de s’installer, il est plus que plaisant et délectable de constater qu’une telle comédie française en soit, puisse arriver à un point nommer.
Ce divertissement est en tout cas très réussi et original. Il est certain que beaucoup de spectateurs continueront à suivre les projets à venir d’Olivier Nakache et Eric Toledano. Car depuis leurs premiers pas, leurs réalisations sont à la fois créatives et réalistes, inventives et positives. Bien d’autres adjectifs qualificatifs peuvent être alignés par rapport au « Sens de la fête », mais il serait injuste de le faire. Le mieux est de prendre l’initiative d’aller le découvrir en salles et d’apprécier les moments qui en découlent. Ainsi en sortant du cinéma, il sera aussi possible de partager avec son-sa partenaire une séquence précise du long-métrage. Ou d’en échanger les avis généraux, qu’ils soient positifs ou négatifs.
Dans tous les cas, on ne peut que leur souhaiter une excellente continuation et parallèlement espérer que les réalisateurs retrouvent leurs fidèles amis acteurs, à savoir Omar Sy et Jean-Paul Rouve. Qui plus est, il serait fantastique de les voir tous dans un film commun. Qui sait, peut-être que la réalité rejoindra l’espérance un jour ou l’autre…
Le Sens de la fête
FR – 2016 – Comedy
Réalisateur: Erci Toledano, Olivier Nakache
Acteur: Jean-Pierre Bacri, Suzanne Clement, Gilles Lellouche, Benjaming Lavernhe, Judith Cehmla
Ascot Elite
04.10.2017 au cinéma
Disponible en VOD sur Cinefile.ch