Goran : une femme dans l’œil aveugle du cyclone

Présenté au NIFFF, dans la petite salle du Passage, ce troisième film de Nevio Marasovic, nous emmène en pleine tempête familiale, avec un humour à l’acidité biliaire.

Dans une petite ville enneigée de Croatie, Goran vit une vie routinière et bien arrosée, principalement entouré de Lina, son épouse aveugle, et de son frère. L’endroit offrant peu de divertissements, il passe son temps entre sauna, virées avec ses proches, conduite de son taxi et soirées très arrosées. Son beau-frère arrive en ville, accompagné de son compagnon, augmentant le groupe de joyeux fêtards un peu désœuvrés. Lors d’un repas familial chez le beau-père de Goran, son épouse annonce qu’elle est enceinte. Tout va alors basculer pour Goran, qui se sait stérile…

Le film se met très lentement en place avec, de plus, une profusion de ralentis. Mais le jeu en vaut la chandelle, car la montée de la tension va, bien entendu, dégénérer en une sorte de feu d’artifice de violence. On passe donc la première moitié du film à observer les personnages, leur simplicité ou leur rustrerie, le patriarcat inflexible du beau-père et la beauté de la femme de Goran, que ce dernier garde jalousement. La cécité de la Lina, qui est finalement le personnage central autour duquel les foudres de la jalousie vont se déchaîner, ajoute du piment au scénario. Elle reste superbe d’insouciance dans l’œil aveugle du cyclone, et apporte tout le cynisme à la situation, apparaissant comme un être angélique dans le chaos qui l’entoure et dont elle ignore tout.

On peut reprocher la mise en place trop longue, des détails incohérents, un jeu d’acteur un peu exagéré par moment et surtout un fond sonore qui finit par être irritant. Sans parler de la décoration intérieure des plus atroces. Mais le film reste tout de même intéressant par son humour décalé et ses passages explosifs.

L’utilisation de la cécité de Lina comme rehausseur de contraste et d’effet comique est aussi surprenante que cynique. On peut y voir une connivence, ou toutefois un écho presque touchant, dans les efforts de Goran pour la préserver de la réalité et la maintenir dans l’illusion d’une situation idyllique.