Une plongée quasi documentaire et extrêmement tendue dans le quotidien d’une famille tombée dans la criminalité par obligation, qui doit faire face à une police corrompue.
Ma’Rosa tient une petite épicerie dans un quartier pauvre de Manille où tout le monde la connaît et l’apprécie. Pour joindre les deux bouts, elle et son mari Nestor revendent de la drogue. Dénoncés et arrêtés par la police, ils vont devoir chercher des fonds pour retrouver leur liberté.
Le film commence très sobrement. Ma’Rosa et l’un de ses fils sont au supermarché, ils ont des sacs plastiques remplis de soupes à cuire et de bonbons. Ils prennent un taxi sous une pluie battante et rejoignent un quartier pauvre de la ville. C’est dans cette impasse que se trouve leur boutique dans laquelle ils travaillent et vivent à cinq. Trempés jusqu’aux os, ils se changent et s’empressent de refaire les stocks. A l’étage se trouve Nestor, son mari qui est en train de… consommer de la drogue.
Ma’Rosa gère les fonds de la famille qu’elle cache dans un carton à chaussures, c’est aussi elle qui prend les décisions. Pour se faire un peu plus d’argent elle a accepté que son mari revende des doses de ce qu’ils appellent du Crystal. Surpris en flagrant délit de revente, ils sont menottés et embarqués par la police locale jusqu’au commissariat. Un groupe d’hommes les attend et leur fait du chantage, soit ils payent soit ils prennent la prison à perpétuité. Le choix est vite fait… Mais les fonctionnaires en veulent toujours plus ! Comment la famille va-t-elle trouver cet argent?
Très bien filmé dans un style quasi documentaire via une caméra à l’épaule, passionnant, ce long-métrage du brillant Brillante Mendoza nous fait découvrir un pays assez méconnu, les Philippines. Nous suivons les héros dans différents quartiers de Manille ainsi que dans des locaux administratifs spartiates éclairés au néon. Très dynamique et sacrément intéressant, nous découvrons la corruption telle que la vivent les gens du pays. Parfois compréhensifs, parfois agressifs, ces fonctionnaires se révèlent très versatiles. Ils savent exactement comment s’y prendre avec leurs victimes pour leur extorquer un maximum d’argent, faisant monter une tension constante.
L’intrigue de « Ma’ Rosa » est née d’une histoire vraie. Quelqu’un a raconté au cinéaste ce que sa famille a enduré en 2012. Cette personne est présente dans le film mais Mendoza n’a pas souhaité dire qui elle joue, pour sa sécurité. En l’écoutant, le metteur en scène a été touché par ce récit qui met en lumière deux problèmes très répandus aux Philippines : a drogue et la corruption. Le film se déroule dans un quartier précis de Manille, le cœur actif de la ville. La famille du film est pauvre, comme 80% des Philippins aujourd’hui, qui aspirent tous à rejoindre le bas de la classe moyenne. Peut-être que les enfants qui étudient y parviendront, mais leur chemin, comme le montre ce film est parsemé d’embûches.
De manière à ce que son histoire soit crédible, le réalisateur a fait des recherches sur la police du pays. Le problème vient du fait que les tribunaux sont fermés le week-end. Ce qui laisse 48 heures aux malhonnêtes pour négocier et remettre les trafiquants en liberté sans que cela se sache. Il est surprenant d’apprendre que le tournage s’est déroulé dans un vrai commissariat de police et que, malgré sa charge contre les fonctionnaires malhonnêtes, les membres des forces de l’ordre qui s’y trouvaient ne se sont pas du tout sentis visés par le sujet.
L’actrice du rôle-titre Jaclyn Jose a reçu le Prix d’Interprétation au dernier Festival de Cannes. Elle est la première actrice d’Asie du Sud-Est à être récompensée sur la Croisette. Aux Philippines, ce prix a du coup créé un buzz très important autour d’un film qui le mérite amplement.
Ma’Rosa
De Brillante Mendoza
Avec Jaclyn Jose, Julio Diaz, Felix Roco, Andi Eigenmann
Mont-Blanc Distribution
Sortie le 30/11