Certainement le film qui a le plus divisé la critique depuis le début de la compétition, Personal Shopper d’Olivier Assayas est un petit bijou injustement boudé
Tout commence en 1986, où Olivier Assayas fait ses premiers pas à Cannes en tant que réalisateur (Il était auparavant critique pour Les Cahiers du Cinéma, ndlr) avec Irma Vep, présenté dans la sélection Un Certain Regard. Suivra sa première compétition cannoise en 2000 avec Les Destinées Sentimentales, déjà loin de faire l’unanimité. Habitué de la croisette depuis, défrayant la chronique quasiment à chaque présentation, Assayas a tout de même été jury de la sélection en 2011 sous la présidence de Robert De Niro. Deux ans après Sils Maria, le réalisateur français met une nouvelle fois en scène l’actrice américaine Kristen Stewart pour la compétition, dans un film flirtant entre le fantastique et le thriller, pour ce qui pourrait bien être notre favori en course pour la Palme D’Or.
Une histoire de fantômes. Maureen est médium. Elle cherche désespérément un signe de l’âme de son frère Lewis, récemment décédé d’une crise cardiaque à Paris. La jeune américaine attend patiemment, payant ses factures grâce à un job pour le moins étonnant. Elle est une « acheteuse particulière », chargée de remplir le garde robe d’une célébrité n’ayant pas le temps opportun pour lécher elle même les vitrines. Hantée par la disparition de son jumeau, Maureen n’arrive plus à trouver sens à sa vie. Rien ne l’excite, jusqu’au jour où un mystérieux inconnu commence à lui envoyer des messages insistants. Curieuse, elle va peu à peu se prendre au jeu, espérant entrer en communication avec le fantôme de Lewis.
Si Olivier Assayas se tente pour la première fois au genre fantastique et au film de fantômes – qu’il réussit brillamment -, il flirte également avec le thriller moderne, usant des nouvelles technologies pour installer une intrigue palpitante, claustrophobe, essentiellement menée par un échange de messages malin et angoissant. Osé et risqué, Personal Shopper est d’un charme fou, tout comme son actrice sur qui l’entier du film repose. Son personnage, d’une détermination maladive, place le spectateur dans une posture embarrassante et terrifiante. Le réalisateur cultive le mystère et livre une mise en scène époustouflante, jouant des codes de l’épouvante avec intelligence et sobriété, filmant la demeure à la manière d’Hitchcock. Du clair-obscur aux effets sonores, l’ambiance est à l’effroi. Sans artifices, les effets spéciaux stylisés des spectres fascinent, et Assayas arrive sans mal à questionner son spectateur sur leur existence, amenant à plusieurs reprises la réalité à rattraper la fantasmagorie.
Jouant du montage et des coupures dans l’avancée de son intrigue, le long-métrage n’en reste pas moins émouvant. Les thèmes du deuil et de la vie après la mort – traités avec retenue – permettent une dimension tragique bouleversante, dans laquelle la psychologie déchirante de Maureen, dont les doutes empêchent toute avancée et accomplissement de soi, trouve une résonance particulière. Surprenant et inconfortable, Personal Shopper tétanise jusqu’à son dernier plan.
Personal Shopper
De Olivier Assayas
Avec Kristen Stewart, Lars Eidinger, Sigrid Bouaziz
Sortie inconnue