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jeudi, novembre 28, 2024
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« Elle » : French Delight

Elle De Paul Verhoeven

Après une longue absence, Paul Verhoeven revient en grande forme bousculer le cinéma français en le « souillant » avec l’une de ses actrices-phare, Isabelle Huppert, qui n’a jamais été aussi parfaite.


Il aura fallu attendre plus de dix ans, après l’excellent « Black Book », pour pouvoir découvrir sur grand écran un nouveau film de Paul Verhoeven. A l’instar de Brian De Palma (« Blow Out ») et Roman Polanski (« Rosemary’s Baby »), autres anciennes gloires de l’Hollywood des années 80 aujourd’hui blacklistées par les studios américains, le réalisateur néerlandais a trouvé l’asile cinématographique en France, et plus particulièrement auprès du producteur Saïd Ben Saïd. Déjà responsable de « Carnage » (Polanski) en 2011, de « Passion » (De Palma) en 2012 et de « Maps To The Stars » (Cronenberg) en 2014, le Franco-Tunisien coproduit cette adaptation du roman « Oh… » de Philippe Djian.

« Elle » narre l’agression et le viol de Michèle (Isabelle Huppert) par un homme cagoulé, dans sa maison. Femme forte dirigeant d’une main de fer sa vie professionnelle et privée, Michèle est bien décidée à traquer son agresseur qui a repris contact avec elle. Après un générique sobre, le nouveau film de Verhoeven démarre par la scène de viol (montrée de façon partielle). L’écran reste complètement noir, les sons précèdent les images d’un acte présent à plusieurs reprises dans la filmographie du réalisateur. Si les spectateurs novices du cinéma du « Hollandais violent » seront peut-être surpris par cette entrée en matière brutale, les habitués seront étonnés par la retenue d’un réalisateur habitué à plus d’excès. Le metteur en scène de « Basic Instinct » va donc brillamment jouer avec les attentes du spectateur.

Elle De Paul Verhoeven

Envisagé par certains comme un énième film d’auteur français formaté, vendu comme un film de genre (à la fois thriller et « rape and revenge ») au travers d’une bande-annonce médiocre, « Elle » n’est finalement ni l’un ni l’autre car c’est avant tout une œuvre propre à son réalisateur. Accusé par la critique d’avoir dénigré le mode de vie et la culture néerlandaise au travers de ses films, notamment « Spetters » (1980), Verhoeven ne s’est pas calmé malgré ses 77 ans. Avec « Elle », il s’attaque à la société (française) actuelle au travers d’un traitement ironique, voire même cynique. Le cinéaste hollandais s’amuse à dépeindre les faiblesses de chacun de ses personnages conduits par leurs pulsions et désirs. Leurs comportements immoraux (viols, agressions, trahisons, etc.) s’inscrivent à l’encontre des standards véhiculés par une société dont la représentation est souvent aseptisée (comme le souligne l’un des personnages d’« Elle »). Si au premier abord, les rôles principaux peuvent paraître (trop) caricaturaux (femme d’affaires froide et libérée, fils à maman niais avec une petite amie volage, vieille femme botoxée en couple avec un gigolo), la justesse du traitement de leurs relations et l’authenticité de certains dialogues les rendent finalement totalement crédibles et bien « réels ».

Malgré son âge, Paul Verhoeven parvient à maintenir un regard lucide sur la société dans laquelle il évolue. « Elle » regroupe ses obsessions majeures : le sexe et la violence, qu’il considère comme les « choses fondamentales » de la vie, et également la religion. Cette thématique est développée au travers des médias qui illustrent des pratiques et rites religieux désuets. Mais elle est surtout traitée par le personnage de Rebecca, une pratiquante naïve interprétée par Virginie Efira. La conclusion tirée par cette dernière sur le violeur de Michèle synthétise finalement la nature de chaque personnage d’ « Elle » (et du cinéma de Verhoeven ?) : une « bonne personne » à l’« âme torturée ».

Le film est également un sublime portrait de femme : Isabelle Huppert est tout simplement parfaite dans le rôle complexe d’une bourgeoise détachée qui va être confrontée à son passé. A l’instar de « Robocop », le médium télévisuel est utilisé afin de reconstituer le traumatisme (ici familial) du personnage principal. « Elle » est une excellente surprise qui marque le retour d’un grand cinéaste en pleine possession de ses moyens. Porté par une Isabelle Huppert au sommet de son art, le quinzième long-métrage de Paul Verhoeven sera présenté en Compétition au Festival de Cannes 2016, et il est envisageable qu’il reparte avec un prix (d’interprétation ?).

Elle De Paul Verhoeven

Elle
De Paul Verhoeven
Avec Isabelle Huppert, Christian Berkel, Anne Consigny
Frenetic Films
Sortie le 25/05

 

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