La réalisatrice Maïwenn était l’invitée du Festival du Film de Zurich en septembre dernier. L’occasion de la rencontrer et de parler de son dernier film “Mon Roi” avec Emmanuelle Bercot (Prix d’interprétation féminin au festival de Cannes) et Vincent Cassel.
Si vous deviez résumer l’histoire du film…
Maïwenn : C’est un film sur l’amour passionnel, des questions qu’impose l’amour… à savoir : “Peut-on aimer sans être heureux et peut-on être heureux sans aimer ? Doit-on aimer sans prendre en compte la façon dont on est aimé ? Ce sont toutes ces questions que l’on se pose quand on voit le film et ce sont ces thèmes que j’ai essayé d’aborder dans Mon Roi.
C’est important de poser la question ou est-ce plus important d’essayer d’y répondre ?
Maïwenn : Je trouve que c’est plus important de poser la question car moi en tant que spectatrice, je préfère quand un film m’interroge plutôt que de sentir la vision imposée par le cinéaste. J’aime le cinéma qui est le plus proche de la littérature. La littérature n’impose aucune image et plus j’aime lire et plus je me dis qu’il faudrait que j’écrive des films de la même manière que les gens écrivent des livres.
Vous avez co-écrit le film avec Etienne Comar. Vous êtes-vous mis dans la peau du personnage de la femme et lui dans celle de l’homme ?
Maïwenn : Non je ne pense pas qu’il faille être du même sexe du personnage du film pour être apte à écrire. La seule règle que je m’impose quand j’écris un film, c’est de ne pas juger mes personnages, c’est d’aimer tout le monde de la même manière. Avec cette hygiène d’écriture, j’ai l’impression que le spectateur n’est pas forcé à ressentir telle ou telle chose, c’est-à-dire que le film et les personnages ne sont pas écrits de façon monolithique et catégorique car je pense que c’est aussi comme cela dans la vie. Un salaud pour vous ne l’est pas forcément pour moi.
Votre film est bourré de détails sur ce genre de relation toxique. Comment arrive-t-on à réunir tous ces détails ? en l’ayant vécu ?
Maïwenn : Ce n’est pas forcément dans le terme du vécu. Les histoires d’amour dépendent de faits et de gestes, de preuves, de détails. Et moi je pense que les choses bien faîtes sont une accumulations de détails bien faits donc si il y a des détails bien faits, il faut nourrir le scénario de détails.
Est-ce qu’il faut que le film soit personnel pour que vous vous y intéressiez en tant que réalisatrice?
Maïwenn : Il se trouve que j’ai eu cette étiquette de réalisatrice à films personnels car pour mon premier et mon deuxième film, je jouais dedans et j’utilisais mon vrai prénom. Donc on m’a un peu catalogué réalisatrice écorchée qui raconte sa vie dans les films ! Mais moi je ne me reconnais pas dans ce profil là. J’ai partagé la vie d’un réalisateur, j’ai fait des films d’autres réalisateurs et j’ai pu voir que c’’était des gens passionnés qui à chaque fois parlait d’eux dans leur film. Disons qu’on enfile un déguisement plus ou moins épais sur nos oeuvres, tout comme un peintre, un sculpteur ou quelconque autre artiste.
Les réalisateurs ont tendance à dire qu’ils s’imaginent dans la peau de leurs personnages. Est-ce que cela a été votre cas sur Mon roi ?
Maïwenn : Oui mais bon à un moment donné, j’ai dû me reprendre. Il existait d’autres aspects du caractère de Tony que j’ai dû gommer car cela faussait un peu l’empathie qu’on devait ressentir. A force de donner trop de crédit à chaque personnage, le spectateur était un peu perdu et on se disait : “C’est quoi le problème en fait ?”. Il a fallu rééquilibrer tout cela.
Comment avez-vous travaillé avec les acteurs ?
Maïwenn : J’essaie toujours de voir s’ils ressentent ce que j’ai écrit et si ce n’est pas le cas, cela se verra à la pellicule. J’essaie donc toujours d’être très proches d’eux le jour où ils essaient leurs costumes, leur maquillage afin de mieux voir comment leur personnage peu à peu se forme à la vie.
Ce n’était pas évident que le couple Emmanuelle Bercot et Vincent Cassel fonctionne à l’écran ?
Maïwenn : Non en effet. Les deux étaient étonnés de mon choix de l’autre ! Chacun de son côté me disait : “Je ne comprends pas”. Mais mon film, c’est cela en fait, l’histoire de deux personnes qui se demandent pourquoi ils sont ensemble.
Vous aviez déclaré à l’époque que le tournage de Polisse avait été difficile avec les comédiens. Cela a été plus serein cette fois-ci ?
Maïwenn : Ce n’est pas parce que c’est arrivé sur Polisse que cela arrive sur tous mes films ! Sur Polisse, cela s’est pas très bien passé car il y avait tel ou tel comédien qui ne savait pas se tenir, pas de gratitude, de respect envers l’équipe, de rigueur, de professionnalisme. Et c’est pour cela que le tournage a vite tourné au cauchemar. Mais il se trouve que sur celui-ci j’avais des gens matures, respectueux et donc forcément cela se passe mieux. Bien sur, il y a toujours des tensions, des terrains mystérieux mais en tous cas cette fois-ci j’avais affaire à des gens pros.
Quand vous avez proposé l’histoire de Mon Roi à des producteurs, ont-ils été tout de suite d’accord pour le financer ?
Maïwenn : A mon grand étonnement, vu le succès de Polisse, je pensais qu’on allait monter le financement en deux secondes. Mais cela m’a appris une leçon, c’est que chaque film doit être pris sans tenir compte de son précédent. Tous les compteurs sont remis à zéro. Je trouve ça super et très sain.
Pourquoi n’ont-ils pas adhéré ?
Maïwenn : C’est très bizarre… Autant pour Polisse quand les producteurs ne voulaient pas mettre des sous dessus, j’avais des explications dans le genre : “Encore un film sur la police.” ou encore : “Un film sur la police fait pas une femme, ça ne passera pas. La misère des enfants, on ne veut pas voir ça”. Au moins j’avais des retours. Mais sur Mon Roi, silence radio… Quand j’obtenais un refus, on ne me donnait jamais d’explications…
Et vous ne savez toujours pas pourquoi ?
Maïwenn : Faute de goût peut-être !
Mon Roi – Bande annonce par TheDailyMovies
MON ROI
De Maïwenn
Avec Emmanuelle Bercot, Vincent Cassel, Louis Garrel
Frenetic Films
Sortie le 21/10