22 ans après le film phénomène de Steven Spielberg, la franchise des dinosaures est relancée avec un quatrième volet alimenté par la seule nostalgie, qui se contente de recycler les idées visuelles de ses prédécesseurs.
Dans une des premières scènes de « Jurassic World », un informaticien du parc à thèmes ironise au sujet des pressions exercées par les financiers désireux d’attirer un public amateur de sensations fortes, incitant à la création de dinosaures hybrides et monstrueux affublés de noms ridicules. Ce petit dialogue en forme de gros clin d’œil fait tout bonnement office de commentaire sur l’ambition du film ; il sera d’ailleurs suivi par d’autres dans le même genre, à croire que les créateurs de « Jurassic World » ont constamment cherché à s’excuser pour les grossières ficelles de leur production. Et en effet, il y a de quoi battre sa coulpe.
Après des années de développement, cette nouvelle suite à la saga « Jurassic Park » annonçait clairement ses intentions dans les images promotionnelles : exploiter au maximum le capital sympathie de l’opus original, en récupérant tels quels des éléments de mise en scène et de narration. Le problème, c’est que « Jurassic World » ignore le concept de citation et recycle carrément l’une après l’autre les meilleures idées de « Jurassic Park » (et quelques-unes de « The Lost World »). Rares sont les ressorts dramatiques et les scènes d’action qui ne procurent pas une impression de déjà-vu. On retrouve inchangées les critiques louables, quoique sans finesse, à l’adresse du grand capital, des milices privées et de leurs dérives technologiques. Ainsi que la poignée d’apparitions obligatoires des thèmes musicaux de John Williams. Sans le cacher, « Jurassic World » opte pour le risque zéro de peur de s’aliéner les nostalgiques de son modèle.
Faute avouée, à moitié pardonnée, pourra-t-on dire. Mais le film aggrave son cas en plaquant sur un scénario déjà indigent d’effroyables personnages stéréotypés, issus tout droit d’une série Z : Chris Pratt en mercenaire macho (son premier rôle irritant) et Bryce Dallas Howard en manageuse à talons hauts, reléguée au rang de potiche digne d’une autre époque. Restent les vraies stars, les dinosaures, condamnés à nous surprendre alors qu’en 2015 les effets spéciaux qui leur donnent vie ne fascinent plus. La nouvelle créature habilement dévoilée, l’Indominus Rex, fruit d’un bricolage génétique, est intelligente, imposante, et… absolument hideuse. L’animal se vengera de ses créateurs, en s’échappant et en dévorant tout ce qui bouge. À partir de là, la production semble uniquement compter sur les attentes du spectateur en matière de scènes de massacre. Le tout culminant dans un climax impliquant évidemment plusieurs dinosaures, qui provoquera sans doute plus de rires gênés que de frissons. L’esprit de la série Z – encore elle – plane sur « Jurassic World », mais ne parvient malheureusement pas à transformer le produit commercial en plaisir coupable.
Jurassic World
USA – 2015
Durée: 2h05
Action, Science-fiction, Aventure
Réalisateur: Colin Trevorrow
Avec: Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Irffan Khan, B. D. Wong, Judy Greer, Ty Simpkins, Nick Robinson, Vincent D’Onofrio
Universal Pictures Switzerland
10.06.2015 au cinéma