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jeudi, décembre 19, 2024
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Le drame des migrants vu par Moussa Touré

La Pirogue de  Moussa Toure
La Pirogue de Moussa Toure –

Le Sénégalais Moussa Touré a répondu à nos questions au festival Cinémas d’Afrique (du 23 au 26 août dernier), où son poignant film sur les « boat people », mêlant drame et survival, était présenté. Ce huis-clos à ciel ouvert, qui emporte le spectateur sans coup férir, installe définitivement Moussa Touré parmi les réalisateurs africains qui comptent.

– Quel genre de créateur êtes-vous ?
– J’observe. Je suis un observateur, puis cela cogite dans ma tête, puis je le retranscris en général poétiquement

– Comment travaillez-vous ?
– Je reviens sur l’observation, je cogite simplement. Avant tout il me faut des espaces, je les regarde. Et dans ces espaces-là je mets mes personnages. Je suis très lumière et je crois que c’est elle qui détermine beaucoup de choses pour moi. La base, c’est la lumière.

– Qu’est-ce qui vous inspire ?
– Les enfants. Parce que je me suis rendu compte d’une chose : on grandit, mais on reste enfant.

– Quelle est la liberté de travail au Sénégal ?

– En général, dans le cinéma, on est libre. Mais la contrainte va avec les finances, alors la liberté n’est pas vraiment là. J’ai fait beaucoup de documentaires, et j’ai eu une liberté totale.

La Pirogue de  Moussa Toure
La Pirogue de Moussa Toure

– Les films africains sont vus en Afrique ?
– Non, malheureusement. Ils étaient vus avant, mais parce qu’il y a eu une politique de non vu, on ne s’est plus occupé de la culture, on a privatisé les salles. Le système consistait à laisser les salles trois ans fermées et après on pouvait en faire ce qu’on voulait. Moi j’ai des idées, j’organise des festivals.

– Le cinéma africain a-t-il un avenir, selon vous ?
– Il est clair qu’il a un avenir. L’Afrique est jeune, il y a plus de 52% de jeunes de moins de vingt ans, donc il y a de l’avenir.

– Qu’est-ce qui vous a amené à faire des films ?
– Parce que j’ai été électricien, et je devais surveiller les éclairages sur les visages. Je devais donc surveiller ma « lumière », c’est comme ça que j’ai commencé.

– Prenez-vous des risques en réalisant vos films ?

– Quand je dis que nous avons toute liberté pour faire nos films, maintenant c’est vrai, mais pendant douze ans, sous le régime Wade, nous n’en avions pas beaucoup, par exemple pour ce film, on ne m’a pas donné l’autorisation de tourner. Sous le régime de Wade, j’aurai fait le film, mais j’aurai eu des problèmes avec eux. Il n’y avait pas la liberté de diffuser les films.

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– Pensez-vous que vos films permettent de changer quelque chose ?
– Oui. J’ai fait beaucoup de documentaires engagés. On dit de moi que je suis un cinéaste très engagé. Il est clair que les choses changent. J’ai fait un documentaire sur le viol, et cela a changé les choses au Congo Brazza.

– Ce documentaire sur le viol a donc été diffusé au Congo Brazza ?
Non, il est interdit là-bas, mais il a été diffusé partout ailleurs en Afrique.

– Cela veut-il dire que vous vous intéressez aux effets sociaux de vos films ?
– Dans le monde du cinéma, on dit que je suis un social. Il est clair que je m’intéresse aux effets sociaux. C’est pour cela que je disais tout à l’heure que je suis un observateur.

– Que souhaiteriez-vous voir changer ?
– Cet écart qui existe entre les pauvres et les riches dans le continent africain, et en dehors. J’aimerais bien que cela change et que nos richesses naturelles ne soient pas exploitées par les autres.

La Pirogue de  Moussa Toure
La Pirogue de Moussa Toure

– Pensez-vous que la culture soit une affaire de pays riches, ou est-ce qu’elle peut avoir sa place au Sénégal ?
– La culture n’est pas une histoire de pays riches. Car au moment de l’indépendance, nous n’étions pas riches, c’est même là que nous étions le plus pauvre.

– Qu’est-il fait en Afrique et au Sénégal pour décourager ces jeunes qui tentent de fuir leur pays en risquant leur vie ?

– Durant le précédent régime, le gouvernement espagnol a donné des milliards au Sénégal pour stopper cette émigration. Alors il y a eu des tentatives du gouvernement d’envoyer nos jeunes dans les milieux ruraux pour y pratiquer l’agriculture. Que ceux qui veulent aller à la pêche aillent à la pêche. C’est pour ça qu’ils ont dilapidé les capitaux. D’ailleurs vous le voyez dans le film, chaque fois que quelqu’un arrive, on lui donne dix mille francs. Donc vous voyez bien qu’ils n’ont rien fait… Ce qui fait qu’actuellement nos jeunes ne partent plus, c’est l’espoir. Car c’est l’espoir qui leur permet de croire en leur avenir. La situation politique au Sénégal s’est tassée, mais la population n’a toujours pas de quoi acheter le pain. Cependant, il y a beaucoup d’espoir…

La pirogue
De Moussa Touré
Avec Souleymane Seye Ndiaye, Laïti Fall, Malamine Drame
Moa Distribution
Sortie le 7/11

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